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Témoins du congrès...

 

Mélanie Tanous, Jean Astier

 

La mémoire des vaincu-e-s…

C'est le titre d'un bouquin dont je me rappelle plus l'auteur (1), ni  précisément de quoi ça parle ; je crois me souvenir que c'est l'histoire  des luttes absentes de livres d'histoire.

L'histoire de celles et ceux qui la font, la vivent, et qui en meurent  souvent loin des ors des châteaux, des chancelleries et des écrans de  télé.
Là, c'est surtout l'histoire européenne des vaincu-e-s.
Par ailleurs, j'ai visionné récemment un documentaire sur les luttes contre l'esclavage des personnes du continent africain, et des personnes  esclavagisées, qui n'ont pas attendu Schoelcher pour combattre le système  esclavagiste.

La liste est longue des histoires des vaincu-e-s, et que je ne connais pas.

Au cours de ce Congrès, des ateliers auxquels j'ai participé, c'est cette idée d'écriture de sa propre histoire qui m'est petit à petit venue à  l'esprit comme un fil rouge.
Sa propre histoire, celle individuelle, mais  inscrite dans une histoire collective, collectivement vécue, construite,  collectivement écrite.

L'écriture de sa propre histoire passe dans les classe par la ré-appropriation sensible de son milieu.
Le re-regarder pour ne plus voir uniquement que ce qui est donné à voir.
L'interroger, en groupe,  l'étudier, pour transmettre aux correspondants les infos, les questions, les problèmes rencontrés.
Connaître et comprendre (tenter en tous cas) pour  l'écrire, s'y inscrire et peut-être le transformer. En mieux. Ensemble. 

Sortir rencontrer les gens du quartier, lire les textes libres des mémés collés sur les murs d'Athènes...

Dans quelque domaine que ce soit, la question de la problématisation à  partir des expériences sensibles, des recherches individuelles portées et digérées par le groupe, apporte des recherches, des désirs, des nœuds à  résoudre, ainsi que d'autres questions.
Cette problématisation, la  production coopérative des savoirs se fait pour chacun-e mais grâce au  milieu, dont le groupe, dont l'enseignant-e.
La jubilation provoquée par la  recherche, l'implication dans le travail – celui qui répond à  un désir  d'accroissement de puissance de vie, pas le travail aliéné – se partage, se vit dans le groupe et construit son histoire.

Le groupe ainsi écrit sa  propre histoire. Qui n'est pas celle des riches et des puissants. L'écrire  et la communiquer librement. Avec l'idée défendue par la Convention  Internationale des Droits de l'enfant du droit pour les enfants à s'exprimer et à être pris en compte.

Ca c'est pour la grande idée.

Celle d'une façon de changer le monde.

Une façon. Nécessaire. Pas suffisante à mon avis.

Les autres façons... les musclées, les pacifiques, les latentes, les manifestes, et même … changer le monde.. en quoi ?
Le débat est semble-t-il ouvert (depuis longtemps?).

Et puis les petites idées, et les moments précieux.

Des langues portées fièrement en pétales, chargées d'Histoire, celle de  chacun-e, et qui assemblés forment un beau bouquet à s'offrir en partage.

Les petits exercices de yoga ; se recentrer et s'ouvrir aux autres.

La superbe expo de l'école de la Mareschale et la tranquillité du marché 

des connaissances, l'ouverture de la classe de CP-CE1.
Et constater les différentes … cultures (!) de GD – en l’occurrence sur le sort fait au texte libre.

Tous ces éléments me construisent, me déconstruisent, m'enrichissent. 

Confirment ce pourquoi j'ai choisir de faire ce métier : changer le  monde ! (et même le sauver, en fait, ça mange pas de pain).

Tout ceci, et même la joie de danser en formant des tas de petits manèges de fête foraine accordéonisés, m'aide de façon sensible et intellectuelle à m'accrocher, à écouter, à apprendre, à tenter, expérimenter, à ne  pas me décourager (trop) quand  (souvent) je me sens si loin de tout ce que  je voudrais réussir.

J'ai entendu qu'en Grèce, l'appauvrissement des gens avait engendré une  baisse du nombre de télévision, et que cela permettait la décolonisation  de l'imaginaire.

Alors... tout devient possible.

Même faire sa propre Histoire, et l'écrire.

Lénine aurait dit « rien de plus pratique qu'une bonne théorie ». 

J'aime bien, ça colle à où j'en suis et puis ça me fait marrer de citer Lénine.

La citation de Bergson, proposée par le Laboratoire de Recherche Coopérative m'a émue aux larmes : « La joie annonce toujours que la vie  a réussi ».

Et je me dis que nos sauts de cabris dansants, à l'image de  nos Congrès, en avant puis en arrière, à droite quand d'autres vont à  gauche, les demis-tours et les sur-places... tout ça était plein de joie,  et qu'on en fait, on est bien en vie.

 

Mélanie Tanous.

 (1) Michel Ragon

 

 

Science et conscience
Je ne suis pas grand. Je ne suis qu'un témoin parmi d'autres chargé de partager quelques questions et remarques portées par ce congrès. Je vais donc les déposer, en vrac, en les accompagnant d'une projection de photos aléatoires, témoignage visuel.
Par tradition, l'école inculque des postures et des savoirs utilisables. Elle enseigne l'implicite de tenir sa place et de se couler dans un moule. Comment le praticien Freinet se débrouille-t-il de cette école dans les cendres de sa tradition ?
Jusqu'où puis-je marginaliser mes pratiques pour être en accord avec mon éthique au risque de ne pas préparer mes élèves à devenir de puissants acteurs sociaux ?
Longtemps, la Pédagogie Freinet, a vécu sur la certitude d'inventer dans le présent, une éducation pour l'école et la société de demain. Par le choix du vocable « résister », les Freinétistes s'appliquent un principe de réalité. Les temps ont changé. Qu'en est-il aujourd'hui  de notre projection historique ?
« Se cultiver » est une élaboration de soi en interaction avec les autres et grâce au travail entrepris avant nous par d'autres. De ce point de vue, faire table rase du passé est un gâchis ; se choisir des maîtres est une chance.
« Participe présent, je participe au présent » (F. Béranger)
« Résister, se construire en se cultivant. », un participe présent aurait été plus simple à assumer. Si le substantif « culture » sonne bien, il appelle une kyrielle de justifications quant à notre rapport aux questions d'identité ou de civilisation. 
La culture est une instillation cérébrale omniprésente et ininterrompue qui commence dès la vie intra-utérine. La famille la diffuse sans volonté délibérée, dans une certaineinconscience.
Dans cet engagement pour une culture émancipatrice, épanouissante et responsabilisante, les enseignants Freinet travaillent à une certaine conscientisation dans le sensimaginé par le brésilien Paulo Freire. Nous pourrions prendre le temps de relire la Pédagogie de la Libération.
« L'enfant et l'adulte sont de même nature. »
Le rôle du pédagogue n'est pas d'exposer le Beau selon lui, mais de faire goûter au plaisir de créer, d'investir une œuvre poétique, littéraire, chorégraphique, une démonstration mathématique, de faire partager son émerveillement face à la vie. Quel genre d'intellectuels désirerions-nous devenir ?
Culture et contre-culture ont la teneur de créations humaines et méritent respect et attention portée à une œuvre, à une pensée pour tenter de la comprendre, d'en évaluer la validité puis de la rejeter ou de s'en nourrir le cas échéant. Notre culture est fondamentalement pacifiste.
Pratiques culturelles en classe.
La pratique personnelle doit être première et expérimentée de façon répétée.
La culture, c'est le contraire du socle, de tous les socles. Elle est élévation. Elle nous libère de la bestialité.
Le nombre des enseignants convaincus du rôle capital d'une dynamique culturelle démocratique à l'école, dépasse largement celui des seuls militants Freinet.
Par principe, les éducateurs ont le devoir d'accueillir et de respecter la culture transmise par les parents. S'il le faut en abordant, en toute délicatesse, avec eux la question des valeurs lorsque celles-ci s'opposent au libre développement de l'enfant à travers des dogmes mortifères, asociaux ou sexistes. En ouvrant l'école, en créant une atmosphère et des espaces de dialogues mettant parents et enfants en confiance, les principes laïques progressent. La culture commune en sort renforcée.
L'école centre culturel
Nous portons l'utopie d'une école comme espace d'émulation culturelle. Nous souhaitons créer des connexions intelligentes entre les cultures des élèves en dynamique avec d'autres sources culturelles. Nous verrions volontiers l'école jouer une fonction de liant culturel permettant des échanges transversaux au sein de la texture sociale locale, à l'échelle du quartier, à travers des événements festifs collectifs. Nous rêvons d'une école actrice culturelle reconnue pour les enfants sur le temps scolaire. Nous aimerions voir les portes de nos école s'ouvrir hors temps scolaire, au service d'une continuité éducative pour qui voudrait, adultes ou enfants. L'infrastructure peut offrir des espaces et des équipements communautaires variés ludiques, médiatiques, culturels et populaires.
Sciences et conscience
Ce n'est pas par hasard si un seul et même ouvrage de Freud circule, aujourd'hui encore, sous deux appellations : Malaise dans la civilisation et Malaise dans la culture.En langue allemande, le terme Kultur véhicule cette ambiguïté qui rend compte, tout simplement, de cet implicite : la culture fait la civilisation.
Penser la culture comme acte de civilisation, c'est admettre les antagonismes originels de la culture amalgamant tradition, folklore, création ou imagination. La culture n'est pas résistante et constructrice par essence. Pour le devenir, elle doit être portée par une interprétation et une posture d'engagement philosophique et éthique.
Déni de démocratie dans la maison Europe. Assassinat sadique d'humains en méditerranée ou à Calais. Inexorables détériorations environnementales. Coup d'état financier en Grèce. Comment donner foi en l'avenir aux jeunes générations alors que j'en suis à me persuader d'y croire.
Il y a malaise dans la civilisation. L'humanité sera-t-elle capable de surmonter les pulsions destructrices qui l'animent ?
La seule culture qui vaille doit être source de réflexion, de transformation de soi et du monde en coopération avec les autres. Elle est indéniablement guidée par une conscience morale.
Nous combattons certainement la banalisation du mal dans la classe et dans nos sociétés
Mais quelle morale défendons-nous ?
Quelle idée du Bien nous anime ?
Merci de votre attention.
Jean Astier