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Conférence de Zanello, complément de Michel Xufré

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Etre perdu, oublié, disparaître…
Telle serait la grande peur qu’il faut surmonter… (F. Zanello)
Se séparer sans se perdre donc et pour cela pouvoir se dire, être entendu…
 
La classe Freinet offre à l’enfant des espaces d’expression libre. Le plus connu est le « texte libre » mais il y en a aussi d’autres : la peinture, le théâtre, la danse, la musique et même la création mathématique…
Pour nous enseignants, le texte libre est peut être le plus facile à déchiffrer, le plus parlant, parce que l’enfant-élève s’y exprime avec des mots.
 
Une année, j’ai accueilli dans ma classe un petit enfant de sept ans, étranger. Il avait été inscrit par son beau-père, français, en CE2. Puis j’avais vu une fois sa mère. Elle me l’a présenté comme un bon élève, sérieux et agréable, ce qui s’avéra être tout à fait la réalité. En fait, Boris était un élève qui ne posait pas de problème particulier à l’école, un bon élève.
 
Quand il est arrivé dans la classe, au deuxième trimestre de CE2) après un peu plus d’un an passé dans une autre école, Boris parlait français et savait lire. Il ne connaissait rien du fonctionnement d’une classe Freinet. Il découvrait. Il a écrit un premier texte « A M…. » de cinq lignes. Il y raconte qu’il vivait à M… avant de venir en France. Dans cette ville vit encore sa grand-mère.
Son dernier texte de l’année est l’histoire imaginaire d’un enfant magicien qui ne maîtrise pas ses pouvoirs et qui est par conséquent détesté par son entourage. Sa mère va l’envoyer dans un château spécial pour apprendre à se maîtriser. Là, il sera accueilli par un ami de sa mère qui lui prodiguera ses conseils.
 
La mise au point collective de ce texte a contribué à faire préciser à Boris, par des exemples, pourquoi le héros était détesté de son entourage et en quoi le château-école était spécial.
 
Quand j’ai demandé à Boris de choisir un de ses textes pour le mettre dans le journal de l’école, c’est celui-là - à ma surprise - qu'il a choisi. Je peux supposer que c’est celui qui était le plus important pour lui. Plus important que le texte qui parlait de la ville où il avait d’abord vécu. Que disait donc ce texte imaginaire ?
 
Il le disait lui, avec son origine, son étrangeté (la magie), ses pouvoirs (sa langue peut-être), sa mère et son entourage lui demandant de s’adapter et s’intégrer à l’école (le château). Et enfin l’accueil et les conseils de son beau-père (l’ami de sa mère) qui l’accompagne à l’école (le château) avec lequel il a une relation privilégiée.
 
 
En conclusion, je voudrais redire que Boris est un élève qui ne pose pas de problème particulier à l’école, un bon élève.
Pourquoi donc en parler au cours d’une conférence qui s’intéresse plutôt aux enfants à problème, à ceux qu’on pourrait déjà qualifier d’ « accidentés de la vie », ceux pour lesquels les nécessaires ruptures de l’enfance (F. Zanello) ne se sont pas « sereinement » passées  ? Parce que justement cet enfant, ordinaire pour l’Ecole, témoigne dans cet épisode de sa vie scolaire de plusieurs choses :
-         Il n’y a pas d’enfant ordinaire mais des enfants, chacun à leur manière, singuliers.
-         Accueillir l’expression des enfants, c’est les reconnaître dans cette singularité et par la même leur permettre de s’ouvrir à celles des autres.
-         Le partage de ces singularités, c’est la culture. De la famille d’abord, puis de la classe, de l’école, de la cité. C’est ce qui permet de vivre ensemble.
 
Un des intérêts de la classe Freinet, c’est qu’elle offre un espace sécurisé pour cette expression nécessaire, vitale pour certains. Dans l’exemple décrit, l’organisation coopérative de la classe a offert la possibilité d’une écoute dans un moment de présentation institutionnalisé. Elle a aussi permis une mise à distance et les conditions pour un approfondissement de la pensée dans le moment de mise au point coopérative.

 

 

Michel Xufré  

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