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Un projet de coopération entre classes de 6ème : France Burkina Faso

Dans :  Techniques pédagogiques › 

 

 
Une longue histoire
Le Club Unesco du collège Philippe de Commynes à Tours est en relations depuis plusieurs années avec le Comité de Jumelage Rivière Ouéguédo.
 
Lors de la dernière année scolaire, nous avons échoué à mettre en place une correspondance individuelle entre élèves. Nos petits Tourangeaux se présentaient en faisant le catalogue de leurs biens matériels et de leurs activités : ça donnait des choses aussi exotiques que « J’ai une chambre rose et j’adore faire les magasins le samedi avec mes copines. » Ou bien : « Je joue à GTA sur PSC3, j’aime bien aussi la Nintendo et la Wii. » De leur côté les jeunes Burkinabés avaient écrit des lettres très impersonnelles et nous avons appris par, ailleurs que comme nous n’avions que 20 correspondants face à une classe de plus de 70, les correspondants français devaient échoir à ceux qui auraient les meilleurs résultats. Cela avait entraîné une émulation forcenée dans la classe de Tenkodogo et finalement nos élèves n’ont pas été à la hauteur des espérances de leurs éventuels correspondants.
 
Continuer autrement
La réussite de l’année dernière avait été la vente de gâteaux confectionnés par les élèves grâce à laquelle la Bibliothèque du village avait pu acquérir des livres choisis par les lecteurs à la librairie de Ouagadougou et le collège des « académies » ou trousses garnies fabriquées et vendues sur place.
Forts de cette expérience, nous avons décidé, la collègue de français qui travaille en pégagogie Freinet et moi, de mettre en place une correspondance de classe et fondée non plus sur la vie privée des enfants mais sur le travail scolaire. Pour commencer et dans le cadre du programme de français, les élèves ont écrit des contes « africains » pour les offrir à leurs correspondants. Ils les ont mis en voix puis nous les avons enregistrés en studio radio et gravés sur un CD ! Nous avions oublié entre temps qu’il n’y avait pas d’électricité au collège et que seule la, bibliothèque est équipée de panneaux solaires et d’ordinateurs que notre administrateur de réseau a rénovés et installés sur place l’année dernière. Les contes ont également été écrits sur du papier de couleur et illustrés. Je les ai numérisés et imprimés en couleur pour qu’il y en ait un grand nombre d’exemplaires à la disposition des enfants de Ouéguédo.
Nous avons acquis une radio lecteur-cd à piles et tout cela est parti avec le Comité de jumelage aux vacances de février. Nous attendons la réponse des correspondants, leurs réactions.
 
Apprendre de ses différences
Cette expérience qui a vocation à se poursuivre les prochaines années a été riche d’enseignements. Devant le réflexe des élèves de 6ème, prêts à tendre la main pour donner l’aumône, il a fallu faire comprendre que nous ne voulions pas engager une action charitable mais un échange et un travail de solidarité. Ils ont vite trouvé que dans un cas, il s’agissait de se considérer comme supérieurs aux jeunes Africains alors que nous disposons seulement de plus de revenus alors que dans l’autre, nous étions dans une relation humaine équilibrée.
Des questions philosophiques sont apparues en filigrane : sommes-nous plus heureux que nos correspondants parce que nous sommes plus riches de biens matériels ? au début, les sixièmes pensaient que leurs correspondants étaient malheureux ils ont vite compris que ce n’était pas le cas. Y a-t-il d’autres formes de richesses que la richesse matérielle ? Les objets de haute technologie sont-ils indispensables pour vivre ?
Y a-t-il entre nos correspondants et nous une différence radicale ?
 
 
Un forage pour le collège de Ouéguédo
 
Le collège de nos correspondants va accueillir un niveau de plus à la rentrée prochaine et dans deux ans deux niveaux. Pour l’instant il est approvisionné en eau par un agent qui va remplir des bidons à plusieurs kilomètres et fait plusieurs voyages pour obtenir 200 litres pour la journée. Le Comité de jumelage a étudié la question avec les Burkinabés et un projet de forage a vu le jour. Il faut aider à financer donc nous allons participer dans la mesure de nos moyens : nous allons vendre des gâteaux à la récréation pendant un trimestre : les élèves ont tout organisé, affichage, planning, répartition des rôles. Agir dans la réalité pour une action utile est quelque chose de très enthousiasmant pour eux.
A l’issue de cette 6ème, nous poursuivrons le projet avec les anciens de cette 6ème ou une classe volontaire.
 
 
Des difficultés liées aux gros problèmes actuels au BF
Le premier courrier des élèves présentant notre projet, notre région, les lieux de vie des élèves et le collège n'est jamais arrivé. Nous avons donc profité que le Comité de Jumelage Rivière Ouéguédo avec qui nous travaillons parte sur place pour leur confier le paquet avec les contes, les élèves espéraient une réponse rapide. J'ai envoyé des mails à mon contact là-bas, Abdoulaye B., bibliothécaire qui a une adresse mail et va parfois au cybercafé à Tenkodogo, mais aucune réponse pendant trois mois. Puis fin mai, un mail arrive qui dévoile la vraie situation au BF : faute d'électricité ou de réseau, les mails ne peuvent pas toujours être échangés. Quant à la situation des collèges burkinabés, elle a été très difficile : les professeurs se sont mis en grève pour obtenir des effectifs plus raisonnables, (100 élèves en moyenne par classe) , un salaire correct, des locaux décents et une formation digne de ce nom. Les élèves ont suivi la grève, la répression a été dure. Pour casser le mouvement, le gouvernement a fini par mettre tout le monde en vacances.
 
 
 
Pendant ce temps, en France, on réfléchissait en classe, les élèves ont émis de hypothèses sur les causes de la grève, (après lecture du premier courrier d'Abdoulaye) Ce fut échange mémorable :
La prof-doc : Alors pourquoi ils sont en grève ?
Un élève : il y a trop de soleil !
Un autre : Ils n'ont pas assez de lumière (ils voulaient dire d'électricité)
Un troisième (en grande difficulté, mais/et qui comprend mieux les problèmes sociaux) :  ils ne sont pas assez payés.
Enfin ! Ce n'était pas tout, mais on arrivait à des revendications plausibles.
 
 
 
A l'école de la vraie vie !
Voilà donc un projet qui s'est heurté sur une réalité que nos élèves n'imaginaient pas, réalité sur laquelle il a fallu réfléchir, qui nous a fait modifier nos idées reçues et qui a poussé les élèves à imaginer d'autres solutions.
La classe n'a jamais remis en cause ce projet que nous avions proposé en début d'année, elle s'y est attelée avec beaucoup de gentillesse (et de docilité hélas aussi) .
L'année prochaine il y aura de nouveaux élèves sur le projet, car même si nous le poursuivons en 5ème, les classes sont recomposées à cause des options et une nouvelle aventure commencera.
Le chef d'établissement quant à elle, envisage un jumelage plus officiel.
 
 
Annexes
 
 
1) Échange de mails avec Abdoulaye Bagagnan
 
mail du 30 avril 2013
Bonjour Abdoulaye,
un petit mot par mail en attendant des nouvelles des enfants du collège de Ouéguédo. Sais-tu comment ils ont réagi devant les contes écrits par nos élèves ? Nous savons bien que vous n'avez ni les mêmes conditions d'enseignement ni le mêmes méthodes et cela nous intéresserait d'avoir des réflexions des professeurs et des enfants du Burkina Faso.
Nous avons repris la vente de gâteaux et espérons pouvoir envoyer de l'argent pour le forage d'un puits au collège. Nous le ferons par l'intermédiaire de Jacqueline et Michel Ossant quand ils viendront. 
Nos élèves sont impatients de recevoir des nouvelles des élèves de Ouéguédo.
Bien cordialement
Hélène
 
mail du 16 mai
 bonjour HELENE , toutes mes excuses pour ce grand retard indépendant de ma volonté ; cela fait la 4eme fois que j'essaie de te joindre ; il y a chaque fois soit un problème d'électricité ; soit un problème de connexion, ça décourage ; je voudrais vous dire que c'est avec passion que les élèves ont dégusté les contes mais au moment où ils s'apprêtaient à répondre une grève des enseignants est venue perturber les choses, ensuite les élèves eux-mêmes ont emboîté le pas et le gouvernement a précipité les vacances ; la rentrée interviendra le 1er octobre et c'est vraiment navrant que l'on ne puisse pas vous envoyer quelque chose avant cette date : j'espère que vous nous comprendrez et vous nous donnerez l'occasion de nous rattraper ; bref ; transmettez mon bonjour amical aux élèves et dites-leur que ce n'est que partie remise, salut.

mail du 5 juin 2013

Bonjour Abdoulaye
Ça me fait bien plaisir de recevoir de tes nouvelles et les élèves de 6eme ont été très intéressés par la situation au Burkina Faso. Ils sont demandé quelles étaient les causes de cette grosse grève des enseignants. On a émis des hypothèses avec eux : salaires insuffisants, manque d'enseignants, classes surchargées ... C'est peut- être un peu tout ça et peut-être y a -t-il d'autres raisons. Nous continuons à vendre des gâteaux avec les 6e. Nous réfléchissons à une meilleure méthode pour correspondre avec les enfants du collège. Il faudrait peut-être que nous arrivions à contacter les professeurs ... 
De toute façon nous continuons et allons essayer de jumeler nos collèges. Je réfléchis à cela avec notre chef d'établissement. 
Bonne continuation bonnes vacances et à bientôt 
Hélène 
 
Mail du Mail du 8 juin 2013
Bonjour Hélène
merci pour les souhaits de bonne vacances ; les hypothèses émises par vous sont exactement cela ; les classe de 6eme comptent en moyenne 100 élèves, les enseignants pensent que cela est trop et que d'ailleurs l'ETAT leur doit, les élèves réclament de meilleures conditions de travail, construction de salles, formation appropriée, commémoration des anniversaire de leurs camarades morts au cours de manifestations malgré l'opposition du gouvernement et que sais-je encore ?
A quand vos vacances? Salut
Abdoulaye

 
Dernières nouvelles
 
 
Le 10 juin A la lecture du mail d'Abdoulaye, la classe a proposé d'écrire au Président de la République Blaise Campaoré et au Ministre de l'Education du Burkina Faso (copie à François Hollande pour obtenir le soutien de la France)
 
Les élèves ont collectivement été d'accord qu'il fallait s'adresser « avec politesse et respect » dans un « beau style et sans fautes », « faire court pour ne pas déranger » et « ne mettre que ce qui est important »)
Le plan de la lettre a été décidé ensemble :
 
Commencer par des paroles respectueuses et justifier le fait que des enfants s'adressent à un haut personnage.
 Expliquer que nous correspondons avec des collégiens du Burkina et que la mise en vacances forcée des enfants et des professeurs a rendu nos échanges impossibles.
Dire quels faits sont venus à notre connaissance :
les conditions de travail des enseignants
les classes avec 100 élèves en moyenne
Le besoin d'une formation sérieuse des enseignants
la nécessité d'avoir des salles de classe correctes
la répression des manifestations
le refus du gouvernement que les écoles commémorent les anniversaires des élèves morts pendant les manifestations
 
Poursuivre en demandant, au nom de la déclaration universelle des droits de l'homme et de la convention internationale des droits de l'enfant que le BF a signée, que le BF fasse plus d'efforts pour l'éducation et qu'il permette qu'on honore la mémoire des enfants morts.
 
Finir en disant que nous comprenons que le BF est un pays en voie de développement et qui connaît actuellement des difficultés économiques, nous participons à notre petit niveau à un projet de solidarité avec des écoles et nous apprécions de pouvoir entretenir des relations avec des enfants dont la vie est si différente de la nôtre et qui nous enrichissent beaucoup.
 
 
 
A suivre ...
Il ne sera sans doute pas possible d'envoyer cette lettre, un élève a fait remarquer qu'on allait déclencher une guerre, c'était exagéré, mais il s'agit d'ingérence et nous sommes fonctionnaires de l'état français. Un collègue m'a fait remarquer à juste titre que notre action avec ses bonnes intentions maladroites avait des relents de colonialisme et que nous jouions les blancs donneurs de leçons aux noirs. Il y a encore du travail pour ne pas décourager les élèves de 6ème et leur faire comprendre les complexités des relations internationales. Nous envisageons de passer par le club Unesco et surtout de demander à nos correspondants ce qu'ils souhaitent qu'on fasse.
 
 
2) Deux contes numérisés :
 
         
 
 
 
 
               
     

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Hélène Duvialard
Lu et approuvé par Hélène Pico
Collège Philippe de Commynes
Tours

 

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