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La galerie bleue s’expose

Septembre 2006

 

 

La galerie bleue s'expose, suite

 

Les élèves interrogent les artistes

- Pourquoi avez-vous choisi d'exposer ensemble ?

« Nous avons trouvé des correspondances dans nos travaux qui s'appuient tous deux sur le graphisme. L'œil peut aller d'une œuvre à l'autre ; il se crée ainsi un rythme dans la présentation par alternance. On cherche des accords, des correspondances. On augmente alors l'émotion du regardeur »

- Monsieur Guesdon, pourquoi avez-vous choisi de peindre « abstrait »?

« Malgré les apparences, je ne suis pas un peintre abstrait. Pour travailler, j’ai besoin d'un point de départ figuratif. Je suis fasciné par le vide si bien qu'à mes débuts, j’ai commencé par peindre les vides : ceux qui se dessinent sur le ciel entre les feuilles des arbres, les vides des balcons de Paris, les vides de dentelles, les vides des écritures. Cette exposition est faite à partir des bois gravés de Dürer. »

De toute façon, le sujet n’est pas extérieur au tableau. C’est la manière de le traiter, ce que le peintre apporte de lui-même… » a ajouté M. Stoskopf.

- Quelle est votre méthode de travail ?

« Je découpe la gravure en plusieurs parties et chaque partie en lanières que je réorganise en évacuant ce qui fait image, mais en conservant l'ossature de l'œuvre. C'est une opération de démontage - remontage qui élimine le figuratif, bien qu'il soit toujours dessous. Certaines de ces recherches, classées, numérotées, deviendront des peintures. Les artistes brouillent les pistes. Ce sont des illusionnistes qui modifient l'ordre des choses. »

- Pourquoi la toile froissée ?

« Un jour, j'ai vu l'une de mes toiles se refléter dans la laque noire du piano de ma salle à manger. Et ce reflet était beaucoup plus intéressant que la peinture elle-même parce que l'image ondulait. Pour retrouver cet effet, j'ai eu l'idée de froisser la toile. Ainsi, la peinture réagit autrement sur la surface à cause des creux et des bosses qui font jouer la lumière. »

 

 


Jus de kiwi 1

 

- Quelles sont les étapes de votre travail ?

 « Il y a d'abord les recherches que je conserve dans un classeur, puis il y a trois lieux différents :
- au sol : je fais tremper la toile neuve, je l'essore et je la mets à sécher à plat sur du feutre.
- au mur : je projette ou j'agrandis la recherche que j'ai choisie.
- sur la table : je peins. C'est l'étape que je préfère, suivie de l'accrochage car la peinture commence à vivre dès qu'elle quitte l'atelier. »

 

- Comment choisissez-vous les couleurs ?

« Il n' y a pas de règle. Les couleurs s'appellent. Elles sont mélangées au fur et à mesure de la peinture et il n’y a pas plus de trois nuances car au - delà, l’œil ne compte plus. »

- Le cerne est-il indispensable?

« Forme et fond ne se touchent jamais. Cette réserve s'apparente à ce que Braque appelle « l'entre ». C'est comme cette bande qui vibre entre le ciel et la mer. Le cerne est l'équivalent du silence en musique, c'est une respiration. »

- Monsieur Stoskopf, pourquoi avoir choisi le bois ?

« C'est un hasard. J'ai d'abord été peintre et ça me fatiguait la tête et non le corps. Un jour, j'ai reçu une livraison dans une caisse en bois et au même moment, une galerie me demandait une œuvre sur le thème de la main. J'ai découpé ma main dans une planche de la caisse, je l'ai poncée, polie, découpée en puzzle et je me suis rendu compte du rapport entre les lignes de la main et les lignes du bois. C'était en 1974. Le bois est un matériau facile à travailler, peu onéreux, qui demande peu d'outils et avec lequel on est quotidiennement en contact. Le bois raconte toujours quelque chose. Avec lui, on remonte le temps, on retrouve le geste des ancêtres. Faire des incisions, c'est marquer le temps qui passe; répéter le même geste c'est arrêter le temps. Quand on va au cœur de l'arbre, on remonte vers son origine, on remonte le temps. »

- Faites-vous un croquis avant de sculpter ?

« Je ne fais jamais de croquis car ce serait exécuter ce que j'ai déjà fait, ce serait copier ! Je ne pars pas du figuratif mais du concret. Le bois porte en lui une écriture avec laquelle je ne dois pas entrer en contradiction : ses fibres, ses veines, ses nœuds, ses accidents, ses blessures. »

- Quelles sont les étapes d'une sculpture ?

« Il y a d'abord l'envie. Il faut qu'un morceau de bois m'appelle ; ensuite, c'est un travail de répétition, besogneux, avec des outils électriques très simples : une scie sauteuse, une scie à chantourner, puis les ponceuses. C'est un travail par érosion et frottement et non un travail traditionnel avec des gouges. C'est l'outil qui ne peut pas scier plus de six centimètres d'épaisseur qui m’a contraint à travailler en strates. Et ces lamelles collées sont plus solides que la masse. »


Fond-Forme

 - Pourquoi ne sculptez-vous que des formes rectangulaires ?

« Mes sculptures sont des sculptures de peintre. Ce sont des animations de surface avec des pleins et des vides. Leur présentation en rectangle est une survivance du tableau. »

- Que voulez-vous évoquer avec les sculptures hautes et fines ?

« Je les appelle totems parce qu'elles sont dressées et debout. Je retrouve ainsi la verticalité de l'arbre et de l'homme. Elles sont un lien entre les forces matérielles, le sol, et les forces spirituelles, le ciel. »

- A quoi pensez-vous l'un et l'autre quand vous travaillez ?

 

Stoskopf : « En fait, il ne faut pas trop penser pour ne pas casser la magie, pour retrouver l'innocence et la fraîcheur. Les choses viennent pour ainsi dire comme ça, dans la facilité. »
Guesdon :
« Ca dépend à quel moment. Il me faut beaucoup de concentration au moment de la réflexion. Au moment de l’exécution, je peux travailler en écoutant de la musique. »

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