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La recherche documentaire à l'heure d'Internet en Pédagogie Freinet

Dans :  Techniques pédagogiques › 
Nous avons donc échangé pour aboutir à quelques propositions pour à la fois faire naître (ou renaître) le plaisir ? désir ? de la recherche documentaire, encourager les apprentissages essentiels que sont le fait d’établir une problématique, choisir ses documents, établir une synthèse, communiquer le résultat de son travail, aller vers l’autonomie.
Nous avons échangé aussi sur le besoin de découvrir, de comprendre et d'échanger, le besoin de répondre à une question. Besoin ou désir d'apprendre ? Capacité à l'étonnement ? La réflexion est à approfondir. Partir de vraies questions des élèves est un gage de réussite : les questions d'actualité ou « sociétales » ont provoqué cette année des besoins de recherche documentaire importants.
 
En classe : de la méthode !
 
Nous avons acquis au fil du temps des habitudes de recherche documentaire qui ont fait leurs preuves :
Le début consiste en un «remue-méninges» (en groupe, le « je » étant alors collectif, ou personnel) pour répondre, à propos du sujet proposé ou choisi aux questions :
- qu’est-ce que je sais déjà ?
- qu’est-ce que je veux savoir ?
- quelle forme prendra ma production : diaporama, affiche, exposé, conférence (avec problématique), dossier, B.D., radio, vidéo, spectacle, sketche, chanson, comptine, devinette, fiction, doc en ligne, page de blog, site, maquette, devinette, jeu, débat, livret ou mini dictionnaire .... ?
 
Puis vient l’inventaire des ressources à partir de la question : quelles sont les ressources documentaires dont je dispose ?- fonds du CDI, documents personnels, personnes ressources, visites possibles, objets, ..... les supports sont multiples et parfois imprévisibles.
 
La démarche est centrée autour de l’acquisition de l’autonomie. Quand les élèves posent leurs questions, certaines apparaissent plus pertinentes que d’autres en fonction du sujet et des documents disponibles. Nos pratiques sont multiples.
Par exemple : Hélène D. insiste sur le fait de mettre les aspects du sujet en questions pour créer une problématique,
Nicole demande aux élèves d’avoir trois feuilles : une fiche de vocabulaire, une liste de sources, une feuille pour les notes.
 
Comment démythifier « Google » ?
 
Il apparaît indispensable de tenir compte des informations sur la manière dont fonctionne un moteur de recherche.
- il s’agit d’une entreprise qui gagne beaucoup d’argent. Son apparente gratuité est compensée ouvertement par la publicité et cache aussi des  manœuvres comme le bourrage artificiel de mots-clefs à partir de fausses demandes pour faire « remonter » un site ou les « balises » introduites par les sites commerciaux lors d’événements porteurs de ressources éventuelles (à Halloween par exemple les marchands de produits sans rapport avec le thème «balisent» leur site avec ce mot-clé) ou les référencements payants.
Ce n’est donc pas magique, mais orienté.
- il faut maîtriser la manière de consulter le moteur en comprenant son fonctionnement. Des robots, « web crawlers» ou robots d'indexation, (en français on préconise le mot « collecteur ») parcourent le Web et mémorisent les chaînes de caractères, ils permettent aux moteurs de trouver les ressources en ligne. Quand on fait une recherche, le moteur (comme google) compare les chaînes de caractères que nous avons saisies (que nous, humains appelons des mots et qui ont du sens) avec d'autres chaînes de caractères trouvées par les robots, ils donnent les résultats pour chaque mot ou association de mots de la phrase.

 

Il est préférable d'apprendre aux élèves à utiliser un langage documentaire pour interroger et pas le langage naturel (ex. poser une question). Si l'élève se contente d'une équation de recherche basique, il obtiendra du « bruit » documentaire, c'est à dire des références non pertinentes comme les hôtels de Chartres lors qu'il se renseigne sur la cathédrale. Il doit apprendre à faire une recherche avancée et formuler une équation efficace.
 
- lire une information n’est pas savoir. Il faut établir la distinction entre accès à l’information et appropriation du savoir. Le Web offre un accès aisé à des informations de richesse très inégale, allant de la numérisation d'archives au blog personnel. Il faut donc faire preuve d'esprit critique quant aux documents utilisés et se garder du "copié/collé" afin d'être chercheur d'information et non pas simple consommateur. Et il permet aussi d'être actif : l'élève peut produire du web : blogs, tweets, films...
C'est par ce biais de productions documentaires ou du moins de production d'informations que se fait jour notre spécificité.
 
- il faut, bien sûr, être conscient du danger qu’il y a à déposer des informations sur le Web. Un blog est fait pour être consulté, on doit le concevoir en fonction de cet aspect public, mais le « cloud », espace de stockage censé être personnel, n’est absolument pas sécurisé. Toute information qui y est déposée peut être récupérée et publiée.
 

Web collaboratif versus web coopératif ?

 

Il existe un web collaboratif avec des entreprises comme wikipédia ou wikimini pour les enfants, les forums, les listes de discussions qui proposent des espaces où chacun apporte sa pierre à l'édifice d'une pensée commune ou aide à trouver des solutions pratiques : comment faire une attelle à un jeune pic épeiche à l'aile brisée, comment réaliser son CV ou savoir ce que disait Socrate ou Platon sur l'écriture. Ces personnes qui mettent à la disposition de tous méritent notre reconnaissance et le désintéressement de la plupart donne raison à l'optimisme actif de Freinet.
 
La coopération dans le mouvement Freinet, c'est un peu autre chose, elle comprend des aspects pédagogiques et politiques. L'enfant, libéré de l'autoritarisme du maître, travaille volontiers parce qu’il fait des choix et dans le même temps développe des capacités de coopération avec autrui pour devenir le citoyen libre dont la société socialiste (au sens où l'entendait Freinet) aura besoin. L'école est libératrice pour lui et dans l'avenir contribuera à une libération du peuple. 
 
En pédagogie Freinet, nous avons tout intérêt à nous saisir d'internet parce qu'il est là, puissant et fascinant et parce que de toutes façons les élèves l'utilisent.
Nous ne pouvons rester sur les positions de retrait telles celle de Socrate et Platon, pour qui l’écriture n’est qu’un écho affaibli de la réalité, un encouragement à la paresse provoquant un affaiblissement de la mémoire. L'invention de l'imprimerie a alimenté de semblables controverses et voici qu'internet est affligé de maux mille fois pis.
Nous devons bien au contraire prendre à bras le corps cette nouvelle encyclopédie (au sens propre : cercle des connaissances, les meilleures comme les plus discutables).
 

Internet : mon bel objet (d'analyse)
 
Avec nos classes, il y a deux façons de procéder, d'abord internet est en soi un objet de la recherche documentaire : qu'est-ce que le réseau, comment fonctionne google ? Où sont ces serveurs qu'on dit dans les nuages ! Comment accéder à la  vision des photographies des data centers, la connaissance de leur consommation en électricité et toutes les informations concrètes sur cette industrie. Les élèves auront plaisir à déconstruire le monstre et à voir ce qu'il a dans le ventre, de quoi il se nourrit, comment il grossit et à quel rythme. Il y a fort à parier que la fascination des grands nombres leur donnera quelque peu le vertige, mais le gigantisme est un des aspects importants de cet objet.
 
Internet est un média et comme pour tout média , il ne faut pas s'arrêter dans l'analyse au support ce serait comme n'étudier que le papier, l'encre, les rotatives, les réseaux de distribution, les financements … quand on veut travailler sur la presse. Cela a son importance mais nous devons également faire réfléchir les élèves sur l'autre aspect de ce média : la recherche d'informations.
 
Il y a de nombreuses expériences à mener et/ou faire inventer aux élèves pour étudier la fiabilité de l'information.
Dans les premiers temps d'internet, les documentalistes ont emmené les élèves sur des sites présentant la biologie du dahu, le fromage au lait de femme ou le monoxyde de dihydrogène, les ont fait traquer le hoax (canular) sur hoaxbuster, cela est toujours utile mais loin de suffire. Il faut construire l'esprit critique et les méthodes de recherche petit à petit au cours de la scolarité. Comment, en effet, un enfant de sixième peut-il avoir assez de culture et de recul critique pour savoir si tel article sur Jules César, pourtant au programme, est honnête et présente de l'intérêt ? Comment, quand on apprend, peut-on en même temps douter systématiquement ? Ce n'est ni souhaitable ni tenable. L'accompagnement pédagogique (la part du maître) prend là toute son importance et permet un tâtonnement expérimental fécond. En revanche en 3ème, dans un travail sur un sujet polémique comme les OGM, les élèves seront amenés à confronter des sites de l'INRA avec des sites militants écologistes, des pages de sociétés commerciales, des points de vue américains ou européens. La diversité des sources, c'est là l'intérêt principal d'internet...
 
Web collaboratif et pédagogies actives 
 

C'est très vilain de faire parler les grands absents, mais tant pis ! Si Freinet avait eu internet, la correspondance scolaire aurait pu utiliser le mail, les blogs et les posts sur les blogs, la presse aurait pu être en ligne et les enregistrements sonores en webradio, les dessins d'enfants, les textes libres publiés sur le site de l'ICEM. D’ailleurs les « enseignants Freinet » ont toujours utilisé les technologies nouvelles, et se sont, par exemple servis du duplicateur à alcool puis de l’ordinateur pour le journal ou du fax pour la correspondance.

Les recherches documentaires de nos élèves, nourries d'internet et de bien d'autres sources plus proches et vivantes, vont ainsi nourrir internet et être partagées avec d'autres.
 
 
Réflexion, pratiques, synthèse, lectures, relectures et écriture sont œuvre coopérative du groupe doc2d :
Marjolaine Billebault
Laurence Bouchet
Joëlle Brault
Nicole Chosson
Annie Dhénin
Hélène Duvialard
Hélène Pico
Marlène Pineau
Patrick Samzun