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Le sexe tabou au CES

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Février 1976

 

LE SEXE TABOU AU C.E.S. EN 1975 ?
Suite à une demande du délégué de classe et de quelques élèves seulement de 5e (classe de 32 élèves) qui se posaient des questions sur la sexualité, en réponse j'ai en classe de français, recueilli leurs questions à l'heure d'expression orale libre, en travail de groupes (16 élèves). Ces questions devaient être claires, correctes : c'était la règle du jeu. Il s'agissait d'enfants des hameaux, des bourgs, d'enfants des villages. Le niveau de la classe était moyen dans l'ensemble ; certaines élèves âgées ont préféré la vie active et aller en C.E.T. en fin de 5e, c'est·à·dire en juin 1975.
 
 
1. QUAND ET COMMENT POSER LES QUESTIONS ?
Pendant ces deux heures, certaines filles de 14 ans, très évoluées ont posé des questions qui m'ont surprise, par leur niveau inhabituel pour cet âge; les filles ont l'air beaucoup plus informées, certaines bénéficient d'échanges avec leur mère, mariée très jeune ; les garçons plus timides, plus jeunes n'en parlent pas chez eux, disent-ils, sauf pour envoyer de grosses plaisanteries qu'ils ne comprennent pas toujours ! L'un paraissait un peu bloqué, jouait au bébé pour masquer son trouble ; un autre ne se posait aucune question !
Comme nous voulions, avant de contacter quiconque, avoir des questions nettes et précises sur la sexualité au niveau de ma classe, j'ai accepté de réécouter la bande magnétique et de mettre de l'ordre dans ces demandes les enfants avaient l'habitude de travailler au magnétophone pour perfectionner leur expression orale.
 
2. QUELLES QUESTIONS SE POSENT-ILS ?
Les demandes relatives à la grossesse, à l'accouchement, à la naissance, à la description des organes génitaux ont trouvé réponse au cours de sciences, le professeur ayant accepté de m'aider dans ce qui concernait son programme.
Ici quelques questions sur l'acte sexuel : Comment fait-on un enfant ? L'amour fait-il mal ? Le premier rapport sexuel fait·il souffrir ? Quelles sont les positions de faire l'amour sans avoir d'enfant ? Qu'est-ce qu'un coït ? La masturbation ? etc.
Questions sur la contraception (en 1975) La pilule est·elle dangereuse ? Réussit-elle à toutes les femmes ? Où se met le stérilet dans une femme ? Qu'est-ce que la contraception ? La capote, qui la porte, l'homme ou la femme ?
La vasectomie qu'est·ce que c'est ? L'avortement, qui le pratique ? Pourquoi était-il interdit avant ? etc.
Ensuite de nombreux renseignements médicaux : Les anomalies, les jumeaux, la stérilité, la frigidité (nom déjà connu de trois filles), limite d'âge pour avoir un enfant. Un enfant d'une fille de douze ans est-il viable ? Laménopause rend-elle malade ? Fibrome ? Lois d'hérédité ? (une fille) etc.
Homosexualité, prostitution, maladies vénériennes tout y était.
De nombreuses questions diverses qu'on n'a pu classer : Flirt. L'amour commence à quel âge ? Pourquoi deux sexes ? Le nudisme et la loi ? Le viol ? Pourquoi les films d'érotisme et de pornographie sont-ils interdits aux moins de dix·huit ans alors que c'est notre programme ? A quoi servent les seins ? Les célibataires restent vierges ? Faut·il aimer pour faire l'acte sexuel ? Existe-t·il des orgies en notre temps ? Est-ce normal qu'une fille non majeure se retrouve enceinte ? Fait·on l'amour avec un chien ? Peut-on faire l'amour en 5e ? Pouvez· vous nous passer des photos ou des films montrant les phases (! ) de l'amour ? etc.
 
3. POURQUOI CETTE EXPÉRIENCE A-T-ELLE ECHOUÉ ?
Toutes ces questions auraient pu trouver réponse au cours de rencontres avec des personnels formés SPÉCIALEMENT, en dehors des heures de cours au C.E.S. avec l'autorisation des parents.
L'expérience n'a pas abouti : CAR le professeur de français ne doit pas sortir de son domaine : grammaire, orthographe ...
CAR les parents se plaindraient !
CAR il y a une circulaire qui bloque un peu, celle de juillet 1973 de Fontanet (73-299). Selon l'interprétation qu'on en fait et qui dirait que l'initiative doit être plutôt prise par les parents auprès du Conseil d'Etablissement du C.E.S. dans le premier cycle et que c'est auprès de leu rs parents que lesenfants "doivent chercher les conseils les plus personnalisés, les plus adaptés ... ".
OR LES PARENTS de ces élèves n'ont pas fait le pas, aucun ne s'est manifesté, bien que certains élèves disaient leur mère d'accord ; dans ces sections Il (filière Il) nous voyons trop rarement les parents. Dans ce cas- là, est-ce au professeur auquel les enfants ont fait une demande d'information de poser la question au conseil d'Administration ?
D'ailleurs certains parents d'associations de parents ont reçu une formation d'animateur en ce domaine.
 
4. QUE FAIRE UNE AUTRE ANNÉE POUR ALLER JUSQU'AU BOUT DE L'EXPÉRIENCE ?
J'apprends qu'en France, une vingtaine d'établissements ont réussi, par les voies légales, grâce à des professeurs spécialisés en Éducation Sexuelle et des équipes pédagogiques auxquelles peuvent se joindre l'infirmière, le médecin scolaire, le psychologue scolaire ... Consulter à ce sujet "L'Education" du 3-10-1974.
 
QUE SUGGÉREZ-VOUS ?
Avez-vous essayé dans votre classe une expérience avec les soi-disant spécialistes ? Avez-vous l'habitude de répondre librement aux questions de vos élèves sur la sexualité sans attirer la répression ? La façon dont chaque enseignant vit sa sexualité a-t-elle une incidence sur son métier ? Certains se demandent si la sexualité reste du domaine privé et. ....
OU EN EST-ON EN DECEMBRE 1975 ?
P. A. - Professeur de C.E.S.
 
Cet article, d'une collègue, professeur de français en C. E.S., continue un débat déjà entamé par des articles :
"Expression libre, sexualité, thérapie" de Marie-France HERVE (La Brèche n°12, de nov. 75 ; "Réponse à
Expression libre, sexualité, thérapie" de Jean MARIN (La Brèche n°15, de janvier 1976).