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Février 2006

CréAtions 120 - Le corps et ses langages - publié en janvier-février 2006

Edito

 

La peur, machine à penser ?

Les peurs collectives sont pour les médias, des terres fertiles. Lorsque ces mêmes médias servent la politique dominante tels de fidèles chiens de garde on obtient une pandémie de peurs telle celles de la vache folle, de la grippe aviaire et depuis quelques jours :
Peur des délinquants surtout lorsqu’ils sont jeunes
Peur des incendiaires surtout lorsqu’ils sont jeunes
Peur des récidivistes surtout lorsqu’ils sont jeunes
Peur des enfants d’immigrés surtout lorsqu’ils sont jeunes
Peur des quartiers qui deviennent forcément des repères de délinquants, d’incendiaires, de récidivistes.
L’émotion hypnotique de l’image est présente à chaque journal télévisé tel un film d’horreur ou une série policière surfant sans états d’âme sur les angoisses et les fantasmes individuels. Chacun allume son poste pour découvrir le prochain épisode !
Peur des casquettes et des baskets
Peur des halls d’immeubles et cages d’escaliers.
Aux profs et éducateurs laxistes, le ministre de l’intérieur Sarkozy, aux interventions physiques et verbales médiatisées à souhaits, répond avec une armée de CRS, de policiers et de gendarmes.
Le mot d’ordre « on infiltre, on capture et on expulse » est sans ambiguïté.
La peur est inhérente à tout être vivant, cependant pour l’être humain, elle est couplée avec la conscience, conscience de la vie et de sa durée limitée, conscience des contextes de vie, conscience de l’Autre...
Il y a des peurs qui engendrent la vigilance, la résistance, l’utopie : la peur de la misère, du chômage, de la destruction de la planète .... la peur de l’injustice, du racisme, de l’oppression....
Ces peurs provoquent dans un premier temps de la colère, du refus puis dans un second temps des mises en perspectives, des créations d’alternatives. Cette conscience réflexive nourrit et se nourrit de la philosophie, de l’art, de la science, de la politique... tous les champs de l’activité humaine indispensables à l’émancipation de l’Humanité.
Ceux qui privilégient l’éducation à la répression sont porteurs d’avenir pour la jeunesse et nous enseignants et éducateurs Freinet en offrant à l’enfant et au jeune des situations multiples, des espaces d'expression et de création permettant cette conscience réflexive, nous participons à la construction d’un individu conscient et réflexif.
Et il en faudra beaucoup !

Catherine Chabrun, Présidente de l’ICEM pédagogie Freinet. Nov. 2005

 

 

CréAtions s’associe pleinement à la colère de la présidente de notre mouvement. Il nous paraît aussi urgent, car c’est en relation, de réaffirmer la place irremplaçable de la création dans le développement de l’individu. Pour cela, nous republions le « manifeste pour l’enfant créateur » prenant appui sur l’article de Marysia Milewski, ancinne élève de l’école Freinet de Vence.
Dans deux numéros presque successifs, nous martelons que le corps est vecteur d’expression, qu’il faut l’écouter, le respecter, lui donner les moyens de se construire. Car il est nié à l'école, dans la pratique religieuse, au travail ou dans le chômage. Caché, instrumentalisé, formaté, violenté, humilié toujours, il hurle de plus en plus fort pour qu’on le prenne en considération. On voudrait le réduire à une machine sportive ou à un ornement. Mais « courber l’échine » ne veut plus se conjuguer même à l’impératif et même les jeunes, dans leurs survêtements et dans leurs Nike, n’ont pas oublié que courrir servait aussi à fuir ou à faire face.
Les violences de novembre n’expriment-elles pas sans « dire » ? Pas de mot d’ordre ou de meneurs. C’est le corps qui exprime plus que la parole… Une expression violente retournée vers soi-même, vers la voiture de son voisin, vers le lieu de travail de son parent, une expression « auto » mutilante qui déstabilise le sens commun.
Aujourd’hui, on observe dans les écoles de nouvelles formes de communication, hors attente scolaire, entre élèves. Elles ne passent plus par la parole mais par le geste, comme par exemple par l’attitude « relachée ». Les élèves semblent fatigués, naturellement fatigués, ce qui déstabilise les enseignants qui croyaient à la valeur de l’étude, de l’effort et à l’égalité des chances…
Alors, redisons-le : A corps et à cœurs retrouvés !

 

    sommaire n° 120 Le corps et ses langages