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Poésie givrée - Edito Créations "Poésie Givrée "

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Revue en ligne Créations n°201 "POESIE GIVREE"
annoncée dans le Nouvel Educateur n°201 - Publication : février 2011

Bibliographie : Poésie et musique

   

          Edito : Poésie Givrée

 

     La poésie exigerait-elle d’abord pour être, un état, du corps et de l’esprit, une vacuité, celle qui a saisi le groupe réuni autour d’écrits la concernant, par une journée à frimas de janvier : « Poésie Givrée » ? Comment s’est opérée la venue de ce mot qui recueille, tisse ensemble le dehors, où le givre a sculpté la nature en d’étranges formes miroitantes, et le dedans, où il va faire « signe », Poésie Givrée, opération du regard et de la langue, en tous sens sollicités, givrée, ivre et vraie pour le je qu’elle saisit?
    Givrée serait à entendre ici aussi au sens trivial de fou, cinglé, délirant, mais de la folie qui fait vaciller les apparences, celle des fous dans le théâtre de Shakespeare, celle qui décape les mots de leur prêt-à-penser et la syntaxe de la logique du discours dominant.
    Givrés, les poèmes nonsensiques présentés ici ? Création collective, ils témoignent de la découverte d’une pratique joyeuse et créative de l’écriture : déconstruire le sens commun, s’étonner des liaisons nouvelles et paradoxales qui en adviennent, rire ensemble d’improbables mariages de contraires, voir surgir des sons et des images inattendues, étranges ; casser les mots pour en libérer les trésors de sons ou d’images qu’ils recèlent, inventer des mots-valises et à l’instar d’Alice, éprouver délices et vertiges dans cette descente au pays des Merveilles où tout est questions et étonnements, et  chaque réponse, une question. Le paradoxe déstabilise la pensée, la maintient vive dans son étrangeté. Il est d’abord ce qui détruit le bon sens comme sens unique, mais ensuite, ouvre à l’infini du sens. L’écriture des poèmes nonsensiques offre à chacun la liberté de « se faire sa langue » ; elle est, en le nommant, appropriation de son univers.
   La peinture des faux-semblants, accompagnant les poèmes, procède d’un geste créateur proche de la pratique du non-sens : elle consiste à revisiter des peintures qui ont marqué l’histoire de l’art par leur audace, leur rupture avec la peinture classique, en supprimant ou en ajoutant des formes, des objets, pour s’approprier, modifier le thème ou la forme, en fonction de son projet personnel.
    La poésie par son pouvoir créatif est bien survie de la vitalité de la langue, de son devenir (comme mémoire et futur de la langue), elle est aussi liberté, émancipation de la pensée.
     Alors quel temps pour la poésie dans la réalité de nos pratiques ? Faut-il attendre « le Printemps des poètes », susciter un stage de poésie à durée déterminée, ou encore créer des BIP, comme la grande section de maternelle,  Brigade d’intervention poétique, en offensive guerrière de défense de la poésie ?
C’est une semaine entière de poésie (à reconduire !) que revendique Martine Boncourt « en math, ils le font bien ! », pour partager une passion : celle de donner aux autres accès à leur propre créativité, les mettre en « état de poésie » ; par exemple pour s’emparer d’un « parler arbre » après un bain dans les sources vives des poèmes qui en sont la mémoire, puis être l’arbre, sa voix, son corps et même la forêt, avec les autres (cf. article « Ma forêt ») ; Défrichement, déchiffrement joyeux de la langue, par effraction, surprise, connivence, la langue s’enchante, se chante, se fait fête, se fait faim « Mes faims, tournez, paissez faims, le pré des sons…»* ; désir, plaisir de goûter les mots à leur source sonore, comme jaillissement de sens, de vie.
         Cette année, à la Fête du Livre d’Aizenay, la poésie a investi le théâtre, les kamishibaïs, les objets familiers, la rue, pour partager une année de productions offertes comme gourmandises à savourer. « La célébration des petits riens » a demandé à chacun de regarder autrement ce qui fait son environnement quotidien, de l’interroger, d’en découvrir l’intérêt derrière la banalité apparente, de mettre en mots cette découverte, de l’inscrire dans sa mémoire affective.
     Pour cultiver la sensibilité individuelle à la poésie, comme nourriture de la langue, entre rivière et collines provençales, en cheminant le long du sentier, tous leurs sens en éveil, les enfants sont invités à sentir, voir, écouter, et aussi à goûter tout ce à quoi ils ne prêtent pas toujours attention. Sur le site, une invitation à partager, avec l’arbre à poèmes, la marelle poétique, des regards sur le paysage.

 

CréAtions

* « Fêtes de la faim », Rimbaud, Poésies.

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