Raccourci vers le contenu principal de la page

Méthode Naturelle

Dans :  Principes pédagogiques › 

Nicolas Go

Introduction
Je ne veux pas faire ici œuvre d’historien, en montrant comment se sont progressivement élaborées la pratique et la théorie de la Méthode naturelle. Je voudrais plutôt, proposer une analyse de la Méthode naturelle, pour tenter d’approcher ce qu’elle est.
La justification est double : d’abord, pour rendre hommage à Paul Le Bohec, récemment décédé, qui est le seul à avoir élaboré, après Freinet, une œuvre écrite sur ce sujet, et qui a inlassablement travaillé à approfondir et à généraliser sa pratique. Ensuite, parce que mes observations çà et là m’ont apporté la conviction que l’École Moderne risquait de progressivement perdre ses fondements, j’entends une compréhension fine et une pratique vivante de l’Éducation du travail et de la Méthode naturelle.

La première question qui se pose est la suivante : pourquoi la Méthode naturelle ? La réponse est simple : parce qu’elle constitue l’entreprise fondamentale de la pédagogie Freinet. Elle enveloppe, comme catégorie générale, l’ensemble des découvertes de l’École Moderne : elle donne un milieu aux processus sensibles de tâtonnement expérimental dont Freinet a analysé la « loi universelle » dans son Essai de psychologie sensible, elle organise la rencontre des processus individuels dans le contexte social et politique de la coopération, elle concrétise les principes philosophiques d’une éducation à la sagesse, que Freinet a présentée dans son œuvre majeure, L’Éducation du travail.
Je disais que l’École Moderne risquait de perdre ses fondements, ce qui arrivera si elle oublie la place centrale de la Méthode naturelle ; de fait, les pratiques qui en découlent ont parfois tendance à s’atténuer, ou à s’exténuer : elles s’affaiblissent, deviennent moins vives, moins fortes, moins audacieuses. La coopération se réduit parfois à un ensemble de règles collectives, le travail à un ensemble d’activités et de techniques, le tâtonnement expérimental est limité par une programmation, l’expression se réduit à prendre la parole, la communication porte sur de simples informations ou des opinions, la création est réservée à quelques activités. Je suis pourtant convaincu que tout est toujours possible, et qu’il suffit de peu pour que l’École Moderne redevienne un mouvement de pionniers, porté par un souffle créateur.
La deuxième question qui se pose est la suivante : Méthode naturelle de quoi ? La réponse est tout aussi simple : Méthode naturelle d’apprentissages. Il ne faut pas oublier que par la Méthode naturelle, les enfants apprennent, et que l’éducation est une éducation au travail et par le travail. On croit souvent qu’en pédagogie Freinet, les exigences sont moindres. Bien au contraire : elles sont très grandes, d’autant qu’elles débordent largement le seul domaine des savoirs scolaires. Comme Freinet le précise à propos de la langue : « Notre méthode naturelle d’écriture-lecture est essentiellement une méthode de vie ». Disons rapidement que dans nos classes, on travaille beaucoup, et différemment. En particulier, le travail est vécu sur le mode de la jubilation. C’est ce que je voudrais contribuer à élucider un peu.

 

Les principes de la Méthode naturelle

Le premier étonnement de Freinet a porté sur l’ennui des enfants à l’école, et il s’est dit quelque chose de très simple : s’ils s’ennuient, ils ne peuvent rien apprendre de bien. Quand un élève s’ennuie, il ne travaille pas, et s’il ne travaille pas à l’école, il faut le contraindre. S’en suivent tous les problèmes d’autorité, de discipline, de contrôle, de sanction, et par voie de conséquence, d’inégalités et d’échec scolaire.

Il a alors essayé de comprendre pourquoi les élèves rechignent autant, et sa réponse a été très étonnante, et très nouvelle : ils ne s’ennuient pas parce qu’ils doivent travailler, c’est au contraire parce qu’ils ne travaillent pas qu’ils s’ennuient. Il avait trouvé la solution entre le vice par excès (le travail forcé), et le vice par défaut (les pédagogies ludiques). Son mot d’ordre a été : il faut libérer le travail de la scolastique. C’est le versant éducatif des combats politiques et économiques contre le travail aliéné. La classe traditionnelle ne met pas les enfants au travail, elle leur impose des besognes scolastiques, en les privant des ressources créatrices de la vie et du désir.
Avant d’aborder précisément le problème de la Méthode naturelle, il me faut encore préciser deux points d’importance capitale, souvent négligés : d’abord, Freinet s’inscrivait dans une visée politique révolutionnaire, ensuite il nourrissait une visée philosophique de sagesse. C’est parce qu’il était avant tout pragmatique et animateur d’un grand mouvement pédagogique qu’il s’est explicitement préoccupé essentiellement des questions de pratiques éducatives. Mais on ne peut rien comprendre à son action si on ne la rapporte pas à ce qui la détermine entièrement, et qui mériterait de longs éclaircissements : un projet de sagesse révolutionnaire. La Méthode naturelle est la forme concrète et spécialisée que prend ce projet en éducation.
 

Télécharger l'article en entier

un itinéraire balisé ?

Merci pour cet article qui a très bien éclairé pour moi l'idée de Méthode Naturelle !
C'est réjouissant !

Je me demandais toutefois s'il n'y avait pas une coquille à la page 6 ? (en haut de la deuxième colonne) :

[ "Ces cheminements sont lents, progressifs, diversifiés et incertains. On « suit un itinéraire balisé », mais on « cherche son chemin ». La méthode naturelle permet à chaque enfant de chercher son chemin..." ]

N'est-ce pas plutôt : "On ne « suit pas un itinéraire balisé »" ?

Car sinon je pense ne pas avoir bien compris la méthode naturelle.

Merci de vos éclairement ou réactions !
Baptiste

un itinéraire balisé

La métaphore de l'itinéraire est en effet ambigüe, et l'expression sans doute mal venue. Il n'y a en effet pas "d'itinéraire balisé" en Méthode naturelle, puisque les processus ont lieu selon ce que Freinet appelait "la loi universelle du tâtonnement expérimental".
Sauf à considérer les "techniques" (en réalité les institutions didactiques et les pratiques impliquées), et les "recours-barrières" comme des balises, contribuant à tracer des itinéraires toujours singuliers (que l'on peut reconnaître comme tels a posteriori).
Je rappelle que l'itinéraire désigne étymologiquement une description de voyage, et renvoie aussi bien à la notion de chemin à suivre (ce qui est contradictoire avec la Méthode naturelle) qu'à celle de chemin suivi (ce qui ne l'est pas).

Mais vous avez raison, tout cela est inutilement bien compliqué, et j'aurais mieux fait de ne pas utiliser cette expression. Je m'en excuse.
Merci pour votre vigilance.
Nicolas Go