CréAtions N° 120 - Le corps et ses langages / janvier 2006

Janvier 2006

 


CréAtions N° 120 - Le corps et ses langages


janvier/février 2006

 
Ont participé à l’élaboration de ce numéro : Jacqueline BENAIS ; Simone CIXOUS ; Katina IEREMIADIS ; Agnès JOYEUX ; Maud LECHOPIER ; Danielle MALTRET ; Hervé NUNEZ ; Jeannette ROUDIER ; Eliane TROCOLO

Photographies : Jacqueline BENAIS ; Nadine HUVER FURLING ; Maud LECHOPIER ; Marysia MILEWSKI ; Hervé NUNEZ ; Véronique PIERRAT ; Dominique TIBERI ; Marguerite BACHY.

 

 Sommaire
Titre et chapeau
Niveau classe
thème
Techniques utilisées
artiste
 

La peur, machine à penser ?

 
édito
 
 
 

Complicité des corps et des lieux

 
 

Maternelle : GS

 
Je travaille avec la main, le corps, le regard - Etre spectateur et auteur de représentations.
Danse, Dessin

Annie Dumont, danseure chorégraphe
 
 

La tête dans les étoiles

 
Maternelle : PS1 et 2
Corps et mots en images: Répondre à un projet extérieur
Dessin, peinture, collage
 
 

Mains par ci, mains par là

 
Elémentaire : CE2/CM1
Récit d’un itinéraire plastique: à  partir d’un matériau : le gant en plastique
 

Ecriture
Argile

Peinture
Collage,
Photographie
Mise en scène

 
 
 
Une pratique, un outil : l’atelier « feutres noirs » 
Elémentaire: CP
 
dessin
présentation
analyse
 
 

Marysia Milewski

 
 
Un « exercice de liberté »
peinture,
Encres,
collage
Marysia Milewski, peintre et illustratrice de livres pour enfants
 
Carte blanche  à l’Ecole maternelle de l’Amirauté , Fort Mardyck
PS-MS
 
Dessin
Dictée à l'adulte

 
 

De la trace à l’envol

Elémentaire : CP-CE1
Danse et arts plastiques se répondent !
Danse
Collage
Silhouettes
Volume
Plâtre
Peinture
 
 

Danser la vie

 
Ecole de danse
Jumelage entre les cilles de Diawar, (Sénégal) et Rezé (Loire-Atlantique)
Danse, Choix de textes, Musiques, Gestuelles, Mise en scène
 

Carnet de bord des élèves de  l’atelier Danse

Lycée
 version complète
Ecriture, photo, danse
Christine Quoiraud, chorégraphe
 

Fenêtres sur corps

 
Maternelle : MS-GS
Un événement, une expérience, un spectacle
Ecoute musicale
Dessin
Danse

 
 

Le corps et ses langages

IUT
Le mot « corps » est un piège
photos, écriture (contes/nouvelles/poème/reportages
 
 

Bibliographie

 
 
 
 

Manifeste de l'enfant créateur

       

 
Ce n° 120 - Le corps et ses langages
-  est toujours disponible à la vente

 

Edito

Février 2006

CréAtions 120 - Le corps et ses langages - publié en janvier-février 2006

Edito

 

La peur, machine à penser ?

Les peurs collectives sont pour les médias, des terres fertiles. Lorsque ces mêmes médias servent la politique dominante tels de fidèles chiens de garde on obtient une pandémie de peurs telle celles de la vache folle, de la grippe aviaire et depuis quelques jours :
Peur des délinquants surtout lorsqu’ils sont jeunes
Peur des incendiaires surtout lorsqu’ils sont jeunes
Peur des récidivistes surtout lorsqu’ils sont jeunes
Peur des enfants d’immigrés surtout lorsqu’ils sont jeunes
Peur des quartiers qui deviennent forcément des repères de délinquants, d’incendiaires, de récidivistes.
L’émotion hypnotique de l’image est présente à chaque journal télévisé tel un film d’horreur ou une série policière surfant sans états d’âme sur les angoisses et les fantasmes individuels. Chacun allume son poste pour découvrir le prochain épisode !
Peur des casquettes et des baskets
Peur des halls d’immeubles et cages d’escaliers.
Aux profs et éducateurs laxistes, le ministre de l’intérieur Sarkozy, aux interventions physiques et verbales médiatisées à souhaits, répond avec une armée de CRS, de policiers et de gendarmes.
Le mot d’ordre « on infiltre, on capture et on expulse » est sans ambiguïté.
La peur est inhérente à tout être vivant, cependant pour l’être humain, elle est couplée avec la conscience, conscience de la vie et de sa durée limitée, conscience des contextes de vie, conscience de l’Autre...
Il y a des peurs qui engendrent la vigilance, la résistance, l’utopie : la peur de la misère, du chômage, de la destruction de la planète .... la peur de l’injustice, du racisme, de l’oppression....
Ces peurs provoquent dans un premier temps de la colère, du refus puis dans un second temps des mises en perspectives, des créations d’alternatives. Cette conscience réflexive nourrit et se nourrit de la philosophie, de l’art, de la science, de la politique... tous les champs de l’activité humaine indispensables à l’émancipation de l’Humanité.
Ceux qui privilégient l’éducation à la répression sont porteurs d’avenir pour la jeunesse et nous enseignants et éducateurs Freinet en offrant à l’enfant et au jeune des situations multiples, des espaces d'expression et de création permettant cette conscience réflexive, nous participons à la construction d’un individu conscient et réflexif.
Et il en faudra beaucoup !

Catherine Chabrun, Présidente de l’ICEM pédagogie Freinet. Nov. 2005

 

 

CréAtions s’associe pleinement à la colère de la présidente de notre mouvement. Il nous paraît aussi urgent, car c’est en relation, de réaffirmer la place irremplaçable de la création dans le développement de l’individu. Pour cela, nous republions le « manifeste pour l’enfant créateur » prenant appui sur l’article de Marysia Milewski, ancinne élève de l’école Freinet de Vence.
Dans deux numéros presque successifs, nous martelons que le corps est vecteur d’expression, qu’il faut l’écouter, le respecter, lui donner les moyens de se construire. Car il est nié à l'école, dans la pratique religieuse, au travail ou dans le chômage. Caché, instrumentalisé, formaté, violenté, humilié toujours, il hurle de plus en plus fort pour qu’on le prenne en considération. On voudrait le réduire à une machine sportive ou à un ornement. Mais « courber l’échine » ne veut plus se conjuguer même à l’impératif et même les jeunes, dans leurs survêtements et dans leurs Nike, n’ont pas oublié que courrir servait aussi à fuir ou à faire face.
Les violences de novembre n’expriment-elles pas sans « dire » ? Pas de mot d’ordre ou de meneurs. C’est le corps qui exprime plus que la parole… Une expression violente retournée vers soi-même, vers la voiture de son voisin, vers le lieu de travail de son parent, une expression « auto » mutilante qui déstabilise le sens commun.
Aujourd’hui, on observe dans les écoles de nouvelles formes de communication, hors attente scolaire, entre élèves. Elles ne passent plus par la parole mais par le geste, comme par exemple par l’attitude « relachée ». Les élèves semblent fatigués, naturellement fatigués, ce qui déstabilise les enseignants qui croyaient à la valeur de l’étude, de l’effort et à l’égalité des chances…
Alors, redisons-le : A corps et à cœurs retrouvés !

 

    sommaire n° 120 Le corps et ses langages 


 

Complicité des corps et des lieux

Février 2006


CréAtions 120 - Le corps et ses langages - janvier-février 2006

Classe de GS, Ecole maternelle Gaston Monmousseau, Méry sur Oise (Val d’Oise) – Enseignante: Maud Léchopier – Intervenantes: Annie Dumont, danseur chorégraphe ; Anne Tiévant, Conseillère pédagogique E.P.S.

 

Complicité des corps et des lieux

Je travaille avec la main, le corps, le regard …


   

 Choix d’un partenariat

 En janvier 2002, j’ai participé à un stage de formation continue intitulé "Choisir et entreprendre un projet de classe à PAC (Projet Artistique et Culturel)" qui permettait d’aborder différents domaines artistiques : musique, arts plastiques, théâtre, cirque et danse, d’un point de vue pédagogique. Il s’agissait aussi de découvrir ou de redécouvrir des lieux culturels de proximité permettant un partenariat et de rencontrer des artistes. Cela m’a convaincue d’approfondir mes connaissances dans le domaine de la danse que j’avais pu apprécier lors de ce stage et que j’avais peu expérimenté jusqu’alors dans le cadre scolaire ou personnel.

J’ai mis en place, jusqu’en juin, de modestes activités chorégraphiques pouvant se rattacher aux différents projets de la classe mais je restais insatisfaite car tout cela demeurait très "technique", sans réelle "démarche artistique".

L’année suivante, j’ai participé aux ateliers pour adultes mis en place par Anne Tiévant, dans le cadre d’un projet de ville sur les danses du monde. J’ai donc engagé mes élèves dans la danse africaine avec quatre autres classes, en partenariat avec deux membres de la compagnie Antipodes.

Cette expérience très positive pour les enfants de notre école, située en REP, leur a permis de bénéficier de l’intervention d’artistes et de présenter une chorégraphie dans un lieu culturel de la ville. Cependant le manque de moyens financiers n’a permis qu’un nombre restreint de séances avec les artistes privant ainsi les enfants d’un temps de maturation et d’écriture chorégraphique vraiment personnels.

Tout ce vécu m’a conduit à monter en 2004/2005, un projet de classe à PAC « danse », et ce, d’autant plus que mes nouveaux élèves avaient participé en moyenne section au projet "danse africaine".

                                 sommaire n° 120 Le corps et ses langages 


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être spectateur, danse, dessin, chorégraphe    

 

"La tête dans les étoiles, les pieds sur terre".

Février 2006

 

 
 

CréAtions 120 - Le corps et ses langages janvier-février 2006

 

Classe de Toute Petite et Petite Section, Ecole Maternelle Henri Barbusse, Lanester (Morbihan) – Enseignante: Jacqueline Benais.

La tête dans les étoiles, les pieds sur terre.

Corps en mots et en images

Le 04 février, lors du regroupement, lorsque je dis “ la tête dans les étoiles, les pieds sur terre ”, le thème proposé pour le Mai des Arts. je note les remarques suivantes :


          
   Oh, la la ! Ça pique . San-Kon.
                  Ça pique pas. Avec des lumières. Benjamin.
                  J'aime pas ça, la terre. Maman veut pas la boue sous les chaussures. Kevin.
                  On a pas le droit. Melvin.
                  Y’a des cochons qui mangent la terre . Boris.
                 Aussi la terre ressemble à du caca . Cléo.

 

Avez-vous déjà eu la tête dans les étoiles ?


                     J’ai un jeu . San-Kon.
                  Chez ma mamie, quand on rentrait, je regardais les étoiles, la tête en l'air . Cléo.
                 Je vais pas mettre ma tête dans le ciel quand même ! . Clément.


Demandez à vos parents ce que veut dire la tête dans les étoiles.

Le lendemain, Killian nous apporte la réponse : Ça veut dire rêver .


Au retour des vacances, je recueille des commentaires individuellement :

Y’a plus d'étoiles, elles vont venir demain. Y’en a plus, regarde ! . Florent.
Avoir une échelle, monter sur la maison et sauter dans le ciel. J'vais m'enfoncer comme une fusée dans le ciel
. Allan.
J'sais pas faire. J'ai appris avec Maman. J'ai chanté Pomme de terre. Je sais plus. Kaysha.
J’sais pas. Marcher. De la terre. J'vais dire à mon papa et à ma maman. J'veux pas aller à la forêt de dinosaures, ça existe  pas. Les manèges, ça existe . Edouard.

J’vais essayer. Je vais faire des étoiles avec un enfant qui met la tête dedans. -
Comment ?  - Je sais pas . Cléo.

 

Comment faire des étoiles ?


Au regroupement suivant, je relis les commentaires de chacun, des enfants proposent des pistes pour faire des étoiles :
- avec des crayons
- j'ai des tampons chez moi

- en pâte à modeler avec des trucs en plastique  (des emporte-pièces)


Le lendemain, je continue à noter les commentaires individuels :
On peut pas. Y'a pas d'étoiles, c'est la nuit, les étoiles ! Quand on vient à l'école, c'est le jour. Je vais les dessiner . Cléo.
Elle choisit aussitôt une grande feuille et des feutres.
Florent et San-Kon veulent également les dessiner mais au cours de la réalisation, ils “ oublient ” leur projet de départ. Allan aussi. Maud, quant à elle, choisit la peinture et un très grand format. Boris et Maëlle remarquent :
Dans le ciel, les étoiles, les oiseaux. II y en a aussi dans les livres mais on ne peut pas les découper !

Je leur donne alors les feuilles de l'atelier Collage : publicités découpées dans des magazines. Ils sélectionnent un oiseau, une main dans les étoiles.
Lors de la présentation de ces premières recherches, Allan commente son dessin :ma mère, mon père, c'est les bras, il tient les étoiles .

D'autres proposent :
La tête sur les pieds, la tête sur le ventre.
- Les pieds dans les étoiles et la tête sur la terre.
- Et le ventre, et les genoux, et le dos, et les doigts, etc
.

 Appropriation


 


La publicité (la main avec les étoiles) est le déclencheur : on peut photographier la tête, les pieds, le ventre, etc.
Donowan ne souhaite pas se placer devant son dessin, c'est Killian qui est photographié
la tête dans les étoiles .

Fin mars, à la ferme, nous marchons dans les feuilles. Les pieds dans les feuilles , nous cherchons d'autres situations : les pieds dans la terre ; les mains dans les graines ; le nez dans les fleurs, etc. .

Au retour, toutes les photos sont visualisées sur l'ordinateur, puis imprimées.
En motricité, nous chantons et dansons à nouveau Savez-vous planter les choux ?,
Jean-Petit qui danse,
, Le bonhomme chut. Nous apprenons de nouvelles chansons : Le petit barbu, Alouette.

A la demande, je photographie nez, oreilles, yeux, bouche, cheveux, dents, ventre, mains, genoux, épaules. J’imprime puis détoure les photos en présence des enfants :
 où les placer ?
sur un arbre ; sur le mur ; dans le ciel ; dans le soleil ; dans le vent ; dans les vagues ; dans l'eau ; dans les papillons ; dans les oiseaux ; sur la lune .
Arbres et murs ne posent pas de problème : il suffit de sortir. Vagues, vent, lune : pour les représenter, nous essayons différentes techniques telles que peinture, encres, feutres, etc. ou nous cherchons dans des revues et des livres des photos à utiliser en fond.

Quand chacun a choisi sa mise en scène, je prends une deuxième photo.

Pour la présentation, je fais quatre propositions aux enfants : un livre accordéon ; des bannières ; un poster format raisin ; un mobile.
A l'unanimité, les enfants choisissent le mobile et des feuilles de couleur pour coller leurs photos.

 

 sommaire Créations n° 120 Le corps et ses langages   



  dessin, peinture, collage

 

Mains par-ci, mains par-là

Février 2006

CréAtions 120 - Le corps et ses langages janvier-février 2006

Classe de CE2/CM1 - Ecole de Boudonville, Nancy ((Meurthe et Moselle) – Enseignante : Véronique Pierrat - Intervenante : Véronique Blanchot, mère d’élève et plasticienne.

Mains par-ci, mains par-là 

 

Récit d'un itinéraire de création plastique


  Ce thème de la main va être exploré sémantiquement dans diverses situations pédagogiques et permettre ensuite des traitements plastiques où l’on tentera de privilégier une mobilité créatrice.

Les enfants sont amenés lors d'une première étape à investir le monde qui les entoure par le biais de leur main. Diverses matières leur sont distribuées ; il leur est demandé de définir leur ressenti au contact de cette matière et non d’identifier cette matière. Voici quelques évocations faites par écrit :

« main chaude, main lisse, main métallique, main en relief, main bulles d’air, main chiffonnée, mains ondulée, main granuleuse, main laineuse, main sonore, main dure, main froide, ….. »

 

 

  
  


Lors d’une deuxième étape, le déclencheur "être la main de.."  sera proposé aux enfants et leur permettra de compléter l’expression à leur gré.

Cependant, pour le mener à bien, et pour exprimer plastiquement leurs expressions, les enfants choisissent collectivement une consigne : le gant en plastique fin à remplir.

 

Etre la main du jardinier
Etre la main du boulanger
Etre la main du peintre
Etre la main de la couturière
Etre la main de l’automne
Etre la main du robot
Etre la main du magicien
Etre la main de Noël
Etre la main du Carnaval
Etre la main du recyclage

Si j’étais la main du robot
je construirais un terminator
je serais un savant fou
j’inventerais un invisibilateur
on m’appellerait Monsieur Robot
je serais le plus fort
je mettrais tous les dictateurs en prison.


Florian M.

Si j’étais la main du jardinier
je ferais pousser une immense forêt dans mon jardin
j’y mettrais un arbre géant
ma forêt serait plus noire encore qu’à minuit
je planterais quelques arbres tordus
et aussi des arbres très raides
je ferais même pousser du piment rouge
qui nous fera cracher du feu.


Arthur B.


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écriture, argile, peinture, collage, photographie, mise en scène

   

 

Une Pratique, un Outil : L'atelier "feutres noirs"

Janvier 2006

 

CréAtions n° 120 "Le corps et ses langages"
publié en
janvier-février 2006

Classe de CP, Ecole de Mons-en-Baroeul (Nord) – Enseignante : Danielle Thorel

 

L'atelier "feutres noirs"

Cela fait deux ans que j’ai introduit dans ma classe l’atelier « feutres noirs ».
Il est constitué de deux barquettes contenant des feutres noirs de différentes épaisseurs de trait, des feuilles de papier Canson 120 g de format1/4 raisin, un porte-vue contenant les créations de la classe. Ce matériel est rangé dans une grande boîte posée sur une étagère à portée des enfants parmi les autres ateliers permanents de la classe : feutres, pinceaux, craies grasses, découpage-collage de différents papiers, découpage-collage avec des magazines, peinture à la gouache, terre, encres colorées.


Je ne pensais pas que cet atelier aurait tant de succès et que les enfants s’accapareraient cet outil en si peu de temps.
C’est peut-être parce que la technique est facile à utiliser et ne demande pas aux petits de CP la grande dextérité qu’exige la peinture ou la terre. Délivrés des contraintes techniques, je pense qu’ils sont plus tournés vers la recherche et l’expression. Au début, les dessins sont été très figuratifs. Puis il y eut le dessin de Mariam qui « ne représentait rien » et le dessin de Morgan qui représentait un « cheval extraordinaire ».
Bien sûr, ces dessins ne sont pas survenus par hasard mais ont eu leu origine dans les précédentes présentations de créations de la classe où il y avait déjà des œuvres non figuratives en peinture. Il y a eu aussi une visite au Musée d’Art Moderne de Villeneuve d’Ascq.


Voici ce qu’on dit les enfants du dessin de Mariam :

 

- Elle a utilisé beaucoup d’épaisseur de traits.

- On dirait des chemins et il y en a qui sortent du papier. On ne sait pas où ils vont.

- Ça ne ressemble à rien.

- On dirait deux yeux qui nous regardent.

- On dirait une grande pieuvre.

- Elle a fait des petites vagues avec les feutres fins. Ça fait beau.

- On dirait une toile d’araignée.

- Je trouve que ça fait peur.


Mariam nous dit qu’elle a voulu faire comme un tableau qu’elle a vu au mus »e, mais elle ne sait plus son nom.

 

 

A partir de ce qu’ont dit les enfants pendant les différentes présentations, on a pu construire une grille d’analyse des créations aux feutres noirs de la classe :


- Est-ce que l’enfant a utilisé plusieurs épaisseurs de traits ?
- Est-ce que le dessin représente quelque qui existe ?
- Est-ce que le dessin représente quelque chose qui existe mais qui a été transformé ? (animaux extraordinaires…)
- A quoi cela nous fait-il penser ? (peur, tristesse, rêve…)
- Y a-t-il un seul grand dessin ou plusieurs petits dessins ?
- Y a-t-il des surfaces coloriées en noir ?
- Y a-t-il des surfaces « décorées » ? Avec quoi ?
- Y a-t-il des lignes qui « sortent du papier » ?

Cet atelier a permis également d’inaugurer l’utilisation d’un vocabulaire précis : épais, fin, extra fin, surface, ligne, etc.
 

 

rubrique "Une pratique, un outil" sommaire Créations 120

dessin, présentation, analyse

 

Marysia Milewski

Février 2006
 

CréAtions 120 - Le corps et ses langages - publié en janvier-février 2006

Ancienne élève de l’école Célestin Freinet de Vence (Alpes Maritimes) de 1964 à 1973. Enseignants : Clémentine et Maurice Berteloot.
Marysia est aujourd’hui peintre et illustratrice de livres pour enfants.

 

 

Marysia Milewski

Il est des fleurs qui ne naissent que dans un certain climat,
En une atmosphère qui leur est spécifique,
A une altitude qui leur est seule vitale,
Le dessin est une de ces fleurs.


Célestin Freinet

 

 

     

Voici quelques écrits de Clem. et Maurice Berteloot qui m’ont accompagnée durant ces années. (Tirés de « Art enfantin » n°68, à propos des « travées » réalisées pour l'exposition d'Aix en Provence en avril 1973).

« […] chacun allait au gré de sa fantaisie. Marysia, l'auteur de la grande fresque de 56m² a entièrement élaboré son projet sur un quart de feuille de papier à grain 55 x 60cm. Puis avec l'aide d'une équipe de 3 ou 4 et de Maurice B., elle a commencé par agrandir scrupuleusement son dessin... scrupuleusement d'abord ; puis le travail se révélant fastidieux, elle a préféré se dégager de la contrainte de la copie servile, fusse la copie de sa propre œuvre, pour retrouver, dans la liberté du geste, la plénitude d'une forme dont la hardiesse de trait témoignait de la maîtrise.

 

Un « exercice de liberté »


J'ajouterai un mot à propos de la composition de cette fresque... Cinq travées de 7 x 1,50 m, cela constitue les éléments géants d'un puzzle gigantesque, qui devait s'appréhender de loin, dans un ensemble unifié, que les barres verticales de soutènement des vitres ne devaient pas couper. Qu'à cela ne tienne ! Elles furent intégrées dans la fresque. C'est autour de ces barres que s'enroulaient les robes des personnages, c'est derrière elles que se dissimulaient en partie, leurs étranges figures. Toute une imagination dynamique mettait en branle des corps, des arbres, des fleurs, des nuages aux cent visages, et cela dans une constante et impressionnante verticalité.
Les femmes-soleil de Marysia ont une façon bien à elles de s'emparer de l'espace, dans un mouvement d'une superbe aisance. C'est cette appréhension de l'espace qui nous a confondus, cette manière ex-traordinaire dont les enfants embrassent physiquement l'espace, cet espace que nous croyions pour eux démesuré.
Ils s'en emparaient, à genoux, à quatre pattes, à plat-ventre, couchés sur le côté... ils l'appréhendaient de tout leur corps... chaque œuvre était à chaque instant
« un commencement, une sorte de commencement pur qui (faisait) de sa création un exercice de liberté ». (La Poétique de l'Espace, Gaston Bachelard). »                                          

 à consulter également

- des photos de l'exposition "Gravé, tracé..." Clin d'oeil à Marysia Milewski  
  sommaire Créations 120 Le corps et ses langages 

suite

Les jumeaux

Totems

Jeu de hasard avec les Coulées

 peinture, encres, collageMarysia Milewski, peintre et illustratrice de livres pour enfants

 

 

Carte blanche

Février 2006
 

CréAtions 120 - Le corps et ses langages janvier-février 2006

 

Classe de Petite Section, Ecole maternelle de l'Amirauté, Fort-Mardyck (Nord)

 

 Carte blanche à la classe de Petite Section de l' Ecole maternelle de l'Amirauté, Fort-Mardyck (Nord)

 



 

 

 

 

Les gens sont sur la montagne et les loups sont très hauts. Ils passent sur le pont. Les chemins sont pour aller n'importe où dans la montagne ou la forêt. Les lignes sont pour que les loups restent dans la forêt ou la montagne. Les triangles sont pour que ne sortent pas les prisonniers. Tristan

Il se passait qu'il y avait un monstre qui voulait dévorer les gentils. Le monstre est parti: il combattait les autres gentils, il s'est caché, est rentré et reparti faire un tour. Théo

                                    

 

La grande limace mange l'escargot.
L'escargot fait la bagarre avec la limace.
Le serpent arrive et l'escargot est mort, et la limace aussi. Il ne reste qu'un serpent.
Tous les autres sont morts.
Ludovic

 

 

 

 

 

Le manège tournait vite, vite, vite!
C'était le grand manège!
Quand le manège s'arrêtait, les gens descendaient et allaient sur un autre grand manège qui se balançait doucement, et plus vite! Il continuait de tourner!
Ludovic

 

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dessin, dictée à l'adulte    

 

De la trace à l'envol

Février 2006

CréAtions 120 - Le corps et ses langages - janvier-février 2006

Classe CP/CE1 - Ecole Tailhan, Palaiseau (Essonne). Enseignante : Marguerite Bachy - Intervenante : Florence Le Bailly.

De la trace à l'envol 

 

Danse et arts plastiques se répondent !


La commune de Palaiseau, où se situe l’école Tailhan, propose chaque année une semaine des arts fin mai-début juin. Les classes volontaires de la ville sont invitées à se produire dans des spectacles ouverts à tous, qui se déroulent à la MJC. Au début de l’année, plusieurs classes de l’école se lancent à nouveau dans un travail sur la danse. (L’école a déjà participé avec des spectacles de danse ou de théâtre.)

Deux classes du cycle II, le CP et ma classe de CP/CE1 proposent de travailler en danse sur le thème : « De la trace à l’envol » Cela permettait d’inclure dans le spectacle, le travail d’arts plastiques de la classe de CE1 sur les oiseaux.

Avec l’intervenante en danse, nous pensons à deux temps différents : au début, des séances espacées qui conduiront les enfants à s’approprier le médium et, en avril, un mini stage afin de monter le spectacle.

 

Le musée

Dans l’idée de lier arts visuels et corps, je programme au début de l’année, une sortie au musée d’Orsay, pour aller voir les sculptures.

Les enfants imitent les sculptures, observent, commentent.

Tout au long de l’année, lors du travail de la classe en art, je propose aux enfants un atelier autour du corps, disposant d’une grande diversité de moyens techniques : peintures, papiers collés sur un support, ou dessinés et disposés en volume en les tordant, papier journal froissé, déchiré, mis en boule et collé, pâte à modeler ou pâte à sel. Les enfants réalisent des danseurs en mouvement, reproduisent de mémoire les sculptures.

Les formats restent petits et les recherches ne sont pas poussées. Les enfants veulent tout essayer.

  sommaire n° 120 Le corps et ses langages 


suite de l'article

 

danse, collage, silhouettes, volume, plâtre, peinture

   

 

Danser la vie

Février 2006
 

CréAtions 120 - Le corps et ses langages - janvier-février 2006

Ecole municipale de danse et de musique de Rezé (Loire-Atlantique) - Professeur de danse : Chantal Nectoux.

 

 Danser la vie

 

Jumelage entre les villes de Diawar (Sénégal) et Rezé.


Naissance du projet

Tous les ans, un spectacle de danse est créé par les élèves de l’Ecole Municipale de Musique et de Danse de Rezé. Le professeur de danse, Chantal Nectoux, propose à ses élèves une réflexion autour du choix d’un thème, pour le spectacle de fin d’année, le plus souvent un thème de travail à caractère humanitaire. L’entrée au spectacle est gratuite mais les dons faits à cette occasion sont toujours remis à l’association avec laquelle le projet a été monté.

 

Le livre de vie de Diawar

Cette année, le choix du thème a été influencé d’une part par l’action de l’association Morgane, partenaire de l’école, et d’autre part par la connaissance du Sénégal et de Diawar par d’anciens élèves de l’école de danse. Le professeur de danse a pris contact avec la Présidente de l’Association Morgane et l’a interrogée pour comprendre cette action et évaluer les chances d’intéresser ses élèves à ce sujet. Des textes écrits ont été remis par les enfants de l’école de Diawar. Ils racontent les événements de leur vie, de leur village et les problèmes qu’ils rencontrent. Les élèves ont été informés des conditions d’enseignement au Sénégal et des difficultés rencontrées par les Sénégalais. Chantal et ses élèves ont lu ensemble ces textes et se les sont appropriés en mettant rapidement en comparaison leurs propres conditions de vie. Le but était de faire connaître aux parents et aux autres enfants le privilège d’un enfant de Rezé au regard des conditions faites à un enfant de Diawar. Pour cela, les élèves se sont documentés. Ils ont rencontré des jeunes qui s’étaient rendus eux-mêmes à Diawar. Peu à peu, leurs représentations sur la vie africaine ont été remises en question.

 

Du récit à l’écriture corporelle

Les choix des textes ont été faits en fonction d’un langage corporel possible pour le niveau des élèves, pour la compréhension du spectateur et pour être adapté à l’espace scénique du théâtre. Il n’a pas toujours été facile de transmettre autant d’informations dans le cadre d’ un calendrier si limité ((1 heure de cours de danse/semaine durant 6 mois). Mais il fallait également ne pas « tomber dans le folklore » tant sur le plan musical que sur les plans gestuel ou vestimentaire. Il s’agissait de conserver des moyens d’expression propres au groupe (danse contemporaine) pour les mettre au service d’une autre civilisation.


Les principales étapes

- Etude des documents : plaquette de l’Association Morgane, journal de Diawar, photos de voyages et échanges avec ceux qui ont été là-bas.
- Choix des thèmes à aborder pour permettre aux spectateurs de mieux connaître à la fois les lieux, la population et l’école de Diawar, avec ses manques et donc ses besoins. Cette réflexion a orienté la trame du spectacle.
- Choix de musiques et d’une gestuelle (travail de création), vecteurs des images et des émotions à partager avec le public.
- Recherche d’une mise en scène (accessoires, costumes, lumières).
Les échanges et les discussions, parfois animés, ont permis de recadrer le travail, en sachant que les contraintes étaient importantes (lieu et temps : espace scénique et durée de spectacle qui ne devait pas excéder une heure). Le spectacle avait aussi un but précis : sensibiliser les spectateurs aux conditions de vie des élèves de Diawar, pour amener le public à participer à l’action de l’Association Morgane.
A l’occasion de l’interview d’un journaliste avant le spectacle, les enfants ont expliqué les conditions de vie des petits sénégalais en intégrant parfaitement bien les différences entre les deux pays. Dans une classe de CP de Rezé, trois élèves ayant participé au spectacle de danse ont voulu faire un exposé sur Diawar et sur l’Association Morgane.


Les objectifs pédagogiques

- Découvrir un autre continent, une autre civilisation, développer la curiosité de l’enfant, sa réflexion autour de problèmes à caractère humanitaire.
- Accepter les exigences que demandent la création d’un spectacle et le travail scénique (discipline, écoute de l’autre), aller jusqu’au bout de ce travail et donc se dépasser.


Transfert de l’innovation

Le thème du spectacle et la démarche ont motivé les élèves. Ce spectacle pourrait être produit dans un autre lieu que le théâtre de Rezé (il faudrait repenser, bien sûr, la mise en scène), mais le travail de réflexion et le but à atteindre seraient les mêmes.


 Point de vue de l’Association Morgane

« Nous avons été marqués par la qualité de l’interprétation de la vie à Diawar par les enfants de Rezé, de l’intérêt qu’ils ont porté à ces différences, de leur capacité à comprendre l’action de notre association et à l’expliquer à leurs parents par le langage de la danse.
Nous nous attendions peut-être à davantage de questions à l’entracte ou à la sortie du spectacle de la part des parents. Peut-être n’ont-ils pas osé. Un certain nombre de plaquettes ont cependant été retirées.
Nos panneaux d’information se sont avérés beaucoup trop petits et nous avons mesuré la nécessité de les refaire en beaucoup plus grand pour les actions prévues au bénéfice de l’Association Morgane (concert de Stradivaria, vente aux enchères de tableaux d’artistes) ».

 

                                              sommaire n° Créations 120 Le corps et ses langages 


danse, choix de textes, musique, gestuelles, mise en scène  

 

Le carnet de bord des élèves de l'atelier danse - carnet n° 3

 

 

Carnet ° 3

 

Commencer une année, c'est toujours un peu complexe : par où, par quoi, et dans notre lycée, avec qui ? L'effectif élève se renouvelle de 50% tous les ans. En plus, nous permettons aux élèves de s'investir dans ce qu'ils veulent vraiment faire. Alors, certains restent même ici l'année suivante, souvent pour faire autre chose…
Aussi, sur le nombre des élèves impliquées en danse l'année dernière et qui ont commencé le travail de Carnet de bord pour CréAtions, nous ne sommes plus que trois. C'est un paramètre à prendre en compte dans notre lycée : la cogestion supprime la projection des enseignants sur l'organisation à venir de leur travail. Chaque année, je dois donc construire un moyen de faire découvrir la danse aux élèves qui auront envie d'explorer cette dimension de leur formation. tout sera à refaire !

Septembre

C'est la rentrée ! Tout change. Nos repères, les têtes, les activités… Après avoir bouclé l'atelier artistique, l'année passée, avec un travail corporel assez lourd émotionnellement (autoportrait), il est difficile de reprendre la danse. Que faire après avoir penser tout dire ?
Marion

Une nouvelle année commence, je suis de retour au lycée pour une deuxième année. C'est le travail en danse qui m'intéresse : apprivoiser les différentes techniques, les différentes périodes de l'évolution de la danse au XX° siècle.
Audrey
Commencer par un atelier de quinze jours sur le geste quotidien et la post-modern dance (mouvement créé par des danseurs américains dans les années soixante) tombait bien puisque ce sujet touche au programme de la spécialité (Chorégraphe Trisha Brown) et de l'option danse (sujet autour du geste).
Marion

 

 

Aujourd'hui, pendant la programmation d'un Atelier danse, nous avons décidé de travailler sur la post-modern dance. Les post modern exposent le fait que marcher c'est danser, d'où le titre de notre atelier.
Audrey
 


 

Dans la préparation de notre atelier, il y a aussi la préparation du n° de Créations. J’aime bien poursuivre le travail entamé maintenant depuis quatre ans, à savoir, vivre des expériences corporelles et en inscrire sur le papier la trace des sensations, des transformations. Le geste de l’écriture permet de conserver une autre mémoire.
D’ailleurs la notation est en danse une longue question.
Et nous avons choisi de la livrer ; alors, pour que les écrits ne soient pas seulement a posteriori, j’ai inventé de nouvelles consignes : nos « danserons » et les observatrices pourront noter ce qu’elles voient. La rédaction du 4 pages devient un moteur pour l’invention de situations pédagogiques. Et ça marche à en croire Marion
 

2ème exercice – 1ère consigne


Nous marchons toutes ensemble. Et nous faisons des arrêts, quand bon nous semble puis nous repartons sur nos marches.
Une d’entre nous sortira pour regarder et notera ce qu’elle voit.
Nous continuons sur marche - arrêt – marche mais nous avons une bulle d’eau dans notre corps.
Après être toutes passées à l’extérieur des marches, nous écrivons sur ces marches, sur ce que nous en avons ressenti.

      

                                         

 

Période 1            Séquence 3

                                        
Titre : MARCHER C'EST DANSER
Objectifs : Faire une création à partir de gestes quotidiens.
Méthode : Danser, inventer, improviser à partir des gestes quotidiens selon les techniques des chorégraphes américains des années 60.
Lire des textes et regarder des images.
MEE ("équipe profs") : Catherine et Patricia
Elèves : Adeline, Eugénie, Audrey, Marion
Durée : une quinzaine
Public ciblé : tous les gens qui savent marcher.
Lieu : hangar

 

Les élèves qui restent sont précieuses pour le lancement des activités. Audrey et Marion sont porteuses de dynamisme.
Marion est la seule élève du lycée qui prépare un baccalauréat spécialité « danse ». Elle doit donc passer une partie de son travail à pratiquer et elle doit être en mesure de comprendre les travaux de chorégraphes du XX° siècle afin de pouvoir commenter des sujets. Elle doit aussi présenter un « carnet de bord » du travail de l'année. Autant dire que les écrits pour CréAtions sont issus de ce cahier que nous tenons toutes les deux.

Parallèlement à l'effervescence de la programmation, j'ai sollicité une réunion autour de notre engagement pour CréAtions. Pour moi ce travail de mise en forme de notre quotidien doit s'appuyer sur toute la richesse de nos actes au lycée mais en même temps il agit sur notre façon de travailler dans notre lycée.

Ainsi, des photographies prises et tirées par Marion dans un atelier précédant autour de la rue peuvent nous servir de fond de page et donc orienter le lieu de notre travail extra muros.
Nous irons improviser sur les rails.

  

début de l'article

suite du carnet n° 3      

 

 

Fenêtre sur corps

Février 2006
 

CréAtions 120 - Le corps et ses langages janvier-février 2006

MS et GS, Ecole Aimé Legall, Mouans Sartoux ( Alpes Maritimes), Enseignante : Nadine Huver-Furling

 

 

Fenêtre sur corps 


    Un événement, une expérience, un spectacle.   

 
Je relate ici une expérience qui aurait pu aussi s’intituler : “un événement arrive dans la classe, quen fait-on?”
Il s’agit d’un ensemble de projets liés à l’expression corporelle et dont le déclencheur fut la réaction d’une enfant de Moyenne Section à l’écoute de la Gymnopédie n°1 d’Erik Satie, lors d’une séance de relaxation. Généralement, j’invite les enfants à me raconter les images qui ont pu défiler dans leur tête lors de pareilles écoutes, et ce jour là, S. me dit: “ moi, j’avais une fenêtre dans ma tête, et à travers cette fenêtre, j’ai vu … ”. Je rebondis alors sur cette image de fenêtre : je la reprendrai désormais pour chaque écoute musicale dans ma classe.
De retour en classe, chaque enfant dessine ce qu’il a vu par sa propre fenêtre en écoutant Erik Satie, et je note sous la dictée le commentaire de chacun. Mis côte à côte, cela donne un joli texte du style :


Par ma fenêtre
J’ai vu des fleurs
Par ma fenêtre
J’ai vu des dames qui dansaient
[…]
En fait, cette fenêtre,
Elle était dans notre tête ! 
   

 

Dès le lendemain, je propose aux enfants différentes fenêtres en carton, petits ou grands formats, et pendant quelque temps, nous regardons le monde à travers ces fenêtres improvisées : cadrages de paysages, regards sur des peintures, etc. En même temps, j’introduis une fenêtre-cadre en bois, rectangulaire, d’environ 80 cm. de longueur et j’invite les enfants à danser avec cette fenêtre. Je profite, pour l’introduire, d’un moment où j’ai, en alternance, une demi-classe avec moi, l’autre étant en BCD pour un prêt de livre. 


  sommaire n° 120 Le corps et ses langages 

  suite de l'article

 
écoute musicale, dessin , danse    

 

Le corps et ses langages

Février 2006

CréAtions 120 - Le corps et ses langages - janvier-février 2006

IUT Bordeaux 1, Départements Génie civil, Génie mécanique, Hygiène et Sécurité, Informatique.

 

Le corps et ses langages

 

Le mot "corps" est un piège            

 

Le corps n’est pas que le corps, ses langages sont tributaires d’une culture, pris dans l’univers imaginaire et symbolique qu’elle distille. Le mot corps est un piège, il renvoie à un dualisme inégalitaire, ne se présentant jamais, au moins dans notre culture qui rabat le corps à sa matérialité, sans son double valorisé, esprit ou âme, comme composante de l’identité humaine, de la personne.
Pour en interroger la complexité, quatre départements de l’IUT de Bordeaux 1 ont exploré les facettes de la réalité corporelle, de son histoire, de son expérience vécue.
Nouvelles, contes, récits, poèmes et reportages ont accompagné un travail photographique et abordé des thèmes aussi divers que le corps dans les images publicitaires, la sexualité des adolescents, la peau, le corps tatoué, l’image du corps dans l’art…
Une conférence de Véronique Nahoum Grappe, anthropologue, a permis un débat sur les images contemporaines du corps. Ont été interrogés les effets en retour de la représentation marchande de la beauté d’un corps toujours jeune, sexué, androgyne. Les possibilités de reproduire et démultiplier les images du corps sont maintenant innombrables. Les images de corps jeunes et beaux qui s’affichent sur les murs deviennent modèles dominants, modèles qui génèrent la peur de ne pas être conforme, même dans l’anticonformisme. Ces affiches sont appel, promotion, injonction à la sexualité, corps à consommer comme les marchandises qu’ils accompagnent et comme gage de liberté et de bonne santé.
Photographies et textes présentés ici sont extraits de l’exposition qui a conclu le travail des étudiants.


Simone Cixous

          Quel est ton vrai visage ?

Mes yeux sont un miroir
dans ce miroir tu te regardes
et tu y cherches ton image.

L’homme que tu y vois
ne te ressemble pas.
L’homme que tu crois être
n’est pas celui que tu vois.

Quel est cet inconnu qui te regarde ?

C’est au regard de l’autre
Que se mesure l’existence de chacun.

                                                 Cécile

 

 

 

 

Variations

Corps : idée complexe
A corps perdu ou à corps défendant
Corps immobile ou en mouvement
Corps à corps ou corps distant
Mais corps et âme infiniment
Et si paradoxal finalement

Charnel, sensuel, voluptueux
Ondulant, se balançant, dansant
Refait, opéré, transformé
Pudique, timide, caché
Souffrant, douloureux, mourant.


                              
Carole

 

 

Vivre Vite

Voltige, vertige
L’air grisant des altitudes
Plénitude

Vitesse, stress
Les secondes s’égrainent
Feux de détresse

Profondeurs ténébreuses
Souffle contrôlé
Frayeurs apprivoisées

Coups, chocs sourds
Ecchymoses
Nez cassé

Vincent

 

  La main sur le corps

On aurait pu dire
que je parcourais ton corps de ma main
pourtant, sans trahir,
nous savons, toi et moi,
que c’est ta peau qui, de son satin,
me caressait les doigts.

                                  Cécile

 

    Le corps rond, carré

Le corps rond, carré
Ses sens
Pudeur maladive
Douillette enveloppe primitive.

Du tabou au porno chic
Objet de désir
Et point de mire
Perfection, révélation…

Peau rouge et dos mouillé
Sacré, dénudé, ou occulté
Imparfait…
Entretenu ou négligé

Le corps rond, carré
Enveloppe de chair
Outil du prolétaire
Parfois abusé

Corps érosion
En mutation
Avec l’âme en corrélation
Du voile à l’exhibition

Corvéable à merci
Corps en vente, en vitrine
Écorce en sursis
Piercings et idées libertines.

          Florence, Margot, Julie

   

 

  Métamorphose d’une femme

Impuissante, Murielle assiste à la modification de son corps.
Elle rentre dans la salle de bain, allume les petites lampes ornant la glace située au dessus du lavabo. Elle voit son visage se refléter dans ce miroir et prend conscience qu’elle a changé. Elle se rapproche du miroir, le nez presque collé à ce dernier, et s’examine de plus près. Elle constate des rides au coin de ses yeux. Ils sont fatigués avec l’âge : elle doit porter des lunettes à double foyer qui accentuent ses cernes, et la profondeur de son regard exprimant des souvenirs lointains. Sa peau a vieilli elle aussi, un teint blafard tombe sur les traits de son visage, auréolé par la blancheur de ses cheveux. Cette image d’elle lui fait peur. Elle se rend compte qu’il n’y a pas que son visage qui a changé… Elle est stupéfaite devant l’image que lui renvoie le miroir : les courbes de sa sil-houette se sont en effet élargies. Elle n’y croit pas et se dit que c’est le miroir qui la déforme. Elle tente même de prononcer la formule magique, comme dans les contes pour enfants mais…
Le temps l’a changée, irrémédiablement.

Brice

   

 

                                   sommaire CréAtions  120 Le corps et ses langages 


écriture, photographie, contes, nouvelles, poèmes, reportages

 

 

Bibliographie

Février 2006

CréAtions 120 - Le corps et ses langages - janvier-février 2006

Bibliographie

 

Bibliographie

 

- Le corps en mouvement. P. Arnaud, Ed. Privat, 1981
Le livre met en lumière comment dans ce domaine : « les savoirs les plus orthodoxes peuvent être ignorants des valeurs qu’lis véhiculent, en ce que leur évidence rend inutile ou superflu tout effort d’explicitation ».

- L’Air et les songes, essai sur l’imagination du mouvement, Gaston Bachelard, Ed. Conti, 1978.

- L’adieu au corps, David Le Breton, Ed. le Métailié, 1999.
Comment le corps est devenu, dans nos sociétés contemporaines, « une entreprise à diriger au mieux des intérêts du sujet ou de son sentiment de l’esthétique ». « le body art pousse à son comble cette logique qui fait ouvertement du corps le matériau d’un individu qui revendique de le remanier à sa guise et de mettre à jour des modes inédits de création. »

- Le corps comme lieu de débat public, Orlan, in www.fluctuat.net .
Entretiens entre Ophélie Lerouge et Orlan, la pionnière de l’art corporel.

- L’impossible visage, dossier photo, revue Artpress n° 317, novembre 2005.
Le visage comme énigme : « ces dernières années, l’art contemporain a nourri une véritable obsession pour le corps. Mais qu’en est-il du visage ? » Les articles interrogent quelques pratiques de la représentation du visage, celles de Cindy Sherman, Barbara Kruger, Orlan, Roni Horn, Boltanski, Valérie Belin…

- « Des zoos humains aux stades : le spectacle des corps », Philippe Liotard, in Zoos humains, de la vénus hottentote aux reality shows, Ed. La Découverte, Paris, 2002.
Le stade (sous ses différentes formes), décrit comme « un lieu inventé pour l’affrontement et la différenciation des corps », n’est pas sans rappeler le phénomène des zoos humains » : corps spatialisé, mis à distance du public, exhibé, valorisé, adulé ou craint, évalué, comparé, source de curiosité ethnologique, source de commerce et d’élévation sociale, etc. En quoi, du zoo au stade, l’image du corps traduit-elle une modification des mentalités quant à notre rapport à l’’Autre ?

- Déshabillez-moi, Psychanalyse des comportements vestimentaires, Catherine Joubert et Sarah Stern, Ed. Hachette, 2005.

- La danse à l’école, Pour une éducation artistique, Jackie Lascar, Ed. L’Harmattan, Paris, 2000.
Dans ce livre, des enseignantes témoignent et explicitent à travers des expériences et des projets menés en danse avec leur classe : Comment aborder, entreprendre la danse avec sa classe ? Comment susciter et maintenir ce plaisir de danser ? Comment aller de l’exploration à la chorégraphie ? Comment construire un partenariat culturel ? Parallèlement, formateurs et chorégraphes donnent des pistes et des outils : Pour prendre des repères dans l’activité danse ; Sur des « matières, prétextes à danser », les démarches de création….

- On danse ?, Nathalie Collantes, Julie Salgues, Autrement Junior Arts/SCEREN-CNDP, 2002.
Un ouvrage (pour les enfants) qui présente la danse dans sa globalité, qui invite à découvrir l’art du mouvement avec tous les courants, du ballet classique aux danses des rues. Loin de se contenter d’une présentation historique, ce documentaire explique le travail des danseurs, des chorégraphes, les relations entre les danseurs et le spectateur. L’enfant est donc sensibilisé à l’art chorégraphique. La mise ne page est très réussie et les illustrations magnifiques.

- Poétique de la danse contemporaine, Laurence Louppe, Ed. Contredanse (troisième édition complète), 2004.
Un livre pour approfondir ses connaissances sur la danse : Laurence Louppe, historienne de la danse, livre quelques notions concernant l’ensemble du champ chorégraphique contemporain, son élaboration, ses ressources et ses modalités de création. Elle expose le type de sensation et de perception auxquelles l’esthétique de la danse conduit le spectateur.

    sommaire Créations 120 Le corps et ses langages 


 

Le manifeste de l'enfant créateur - Clem et Maurice Berteloot

 


« Manifeste pour l’enfant créateur »  Clémentine et Maurice Berteloot - Mai 1994

(repris du Créations n° 60, juin-août 1993, qui présentait l'exposition "L'enfant créateur")

 

 

Cette exposition se voudrait une réaffirmation.
Par nature l’enfant porte en lui des pouvoirs créateurs, dans tous les domaines. Leur concrétisation demeure le moyen le plus efficient d’intégrer, sous une forme opérationnelle, les connaissances que cette concrétisation nécessite.
Par les chemins du savoir-faire, on parvient au savoir, un savoir qui donne le moyen d’opérer (loi des coulées). Ces processus d’intégration s’appliquent dans des domaines qui apparaissent aux antipodes les uns des autres : arts plastiques et mathématiques par exemple. « Les connaissances, témoigne une ancienne élève de la pédagogie Freinet, venaient de nos créations. Il ne serait venu à personne l’idée de nous donner la LEÇON. Je me souviens de nos recherches mathématiques. Si fractions il y avait, c’est nous qui les créions. C’est ainsi que j’ai fait des mathématiques, sans le savoir, matière que pourtant je détestais. Sortant de nous, redécouvertes par nous, il n’y avait pas besoin de les approvisionner à grand coups de patience. C’était tout un TRAVAIL
». Malgré notre époque de technologie galopante qui épuise et lamine les individus, malgré les problèmes d’exclusion, de chômage, de violence, l’enfant d’aujourd’hui n’est pas, dans son essence, différent de tous ceux qui l’ont précédé.
Les aspects extérieurs des créations diffèrent selon les conjonctures sociales et technologiques. Ils traduisent toujours l’invariance des démarches intérieures. Ce qui étonne, surprend quelquefois chez le jeune enfant, c’est la soif d’entreprendre et de réussir. Les incessants tâtonnement sur l’environnement, sur les êtres vivants qui l’entourent, sur lui-même aussi, se structurent en « techniques de vie ». En fait, il essaie d’établir des « circuits » qui régiront son existence. Sans ces circuits, il n’existe pas. Rétablir ces circuits détruits devrait être le souci essentiel de toute éducation. Au sommet de ces conquêtes, l’enfant se crée la possibilité, pour entreprendre, de se passer d’actions concrètes et vécues. Il peut simuler, à l’aide de formes vagues, de forces supposées, d’interactions suggérées, ce que Monod appelle, faute de mieux, l’expérience, l’impulsion créatrice. Le dynamisme, l’originalité surprenante de cet élan profond de la personnalité tendent à la concrétisation, c’est à dire à l’action vécu, source potentielle de futures impulsions créatrices.
C’est à l’éducateur de :
- s’organiser techniquement pour cultiver cette plante vulnérable
- multiplier ses manifestations
- créer les moyens de le faire éclore et fructifier
Tels sont les principes qui sous-tendent l’action éducative : « tout geste d’éducation est d’abord un geste d’accueil » (Elise Freinet.). Contrarier ces démarches fondamentales ou croire que le temps accordé aux activités créatrices est du temps volé aux leçons et aux devoirs, seules bases de l’évaluation, c’est enfermer l’enfant dans le conformisme passif et stérilisant. C’est l’amener à une « spontanéité tapageuse et incohérente, à des révoltes incontrôlées, voir incontrôlables  ». C’est le contraindre à la négation par lui-même de ses possibilités. C’est tarir la source.
Cependant, s’il retrouve un climat favorable à l’épanouissement de son être, favorable à l’évaluation de ses propres richesses, alors les activités créatrices renaîtront. Et par là, continuant à se construire par rapport au monde, il y occupera toute sa place.
Nous aurions pu écrire les mêmes réflexions en exposant des créations nés dans toutes les autres disciplines. Nous avons choisi le domaine des arts plastiques parce qu’il se prêtait le mieux techniquement, à illustrer ce
Manifeste pour l’enfant créateur.